L’Algérie et la France avaient entamé une démarche d’apaisement et de réconciliation des mémoires sur la Guerre de libération nationale et la colonisation française. Cette démarche devait aboutir à la formulation de rapports sur les questions mémorielles ; par Benjamin Stora du côté français ; et Abdelmadjid Chikhi du côté algérien.
Celui de Stora avait été remis en janvier 2021 à Emmanuel Macron. Ne préconisant ni excuses ni repentance ; le rapport est alors qualifié de « non objectif ». Il avait suscité une vague de critiques de part et d’autre de la Méditerranée. Mais aucune réaction officielle de l’Algérie.
Le 6 juillet dernier, le Président Tebboune avait reçu l’historien français Benjamin Stora qui s’était rendu en Algérie pour assister aux festivités commémorant le 60ᵉ anniversaire du recouvrement de la souveraineté nationale et de l’indépendance.
Dans des déclarations accordées à la presse française ; l’historien français est revenu sur cet entretien inédit avec le Président de la République. Révélant que « c’est la première fois, depuis la publication de son rapport, qu’il y avait eu une discussion au fond côté algérien sur ces questions mémorielles ».
Après une période de froid entre Alger et Paris suite aux déclarations controversées du Président français au sujet de la « rente mémorielle » ; et de « l’existence d’une nation algérienne avant la colonisation » ; Stora dénote un « changement de ton ». « Je pense qu’il y a une volonté, de relancer. Je ne sais pas si c’est le mot, mais de poursuivre un dialogue », a-t-il estimé.
Algérie – France : Tebboune insiste sur un travail de mémoire de 1830 à 1962
L’historien français a fait savoir que le Président Tebboune lui avait expliqué « l’importance majeure d’un travail de mémoire sur toute la période de la colonisation ». « La guerre de conquête a été très longue et très meurtrière. Elle a duré pratiquement un demi-siècle (1830-1871) », a rappelé Stora ; partageant l’avis du Président Tebboune, sur le fait que le travail ne devrait pas se résumer à la Guerre de libération nationale (1954-1962).
D’ailleurs, l’historien a aussi rappelé que la conquête s’est caractérisée par « une dépossession foncière et identitaire ». Mais aussi, par la mise en place « d’une colonie de peuplement ». Celle-ci s’est traduite par une démographie s’élevant à un million d’Européens sur neufs millions d’habitants.
Selon Benjamin Stora ; « la difficulté des relations franco-algériennes s’explique par les traumatismes perdurables dans la perception réciproque des deux peuples ». « Les gens ne connaissent pas ce qu’il s’est passé. C’est le problème de la transmission aux jeunes générations et du travail en commun », a-t-il encore noté.
« On s’est tous focalisés sur 1962 » des accords d’Évian à l’indépendance, a remarqué l’historien. Rajoutant qu’il est impératif « d’élargir le champ de réflexion » ; car « on ne peut rester prisonnier d’une seule date ».
« En Algérie, l’accent a été mis essentiellement sur la guerre de libération nationale. Il y a eu en France comme en Algérie une polarisation extrême sur l’unique séquence de la guerre. Et même de la fin de la guerre, les années 1960 à 1962″, a encore souligné Benjamin Stora.
Algérie – France : Emmanuel Macron bientôt à Alger ?
Lors de cette rencontre avec l’historien Benjamin Stora, le Président Tebboune n’a pas évoqué les propos controversés de son homologue français, Emmanuel Macron. Notamment ceux qui remettent en question l’existence d’une « nation algérienne » avant la colonisation française.
À l’occasion de la célébration de l’indépendance, Macron avait appelé au « renforcement des liens déjà forts entre les deux pays ». Il avait aussi chargé Benjamin Stora de remettre une lettre au Président Tebboune.
Dans son message ; le Président français a réitéré « son engagement à poursuivre sa démarche de reconnaissance de la vérité et de réconciliation des mémoires ». Et a fait part d’une visite prochaine en Algérie.