La Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (Laddh) a mis à profit la célébration de la Journée mondiale pour l’abolition de la peine de mort pour créer l’Alliance nationale contre la peine de mort.
L’annonce en a été faite hier par Me Bouchachi, président de la Laddh, lors d’une rencontre organisée au siège national de son organisation, à Alger.
“Notre but en organisant cette rencontre n’est pas de célébrer cette journée, mais de créer un débat national sur la question”, a expliqué Me Bouchachi, qui a précisé avoir lancé des invitations à des personnalités appartenant à des sensibilités politiques différentes.
En prenant la parole, Ali Yahia Abdenour, militant infatigable des droits de l’Homme et président d’honneur de la ligue, a précisé que la peine de mort est “un débat interminable entre ceux qui donnent sa valeur à la vie et ceux qui donnent un sens à la mort”.
Après avoir déroulé les arguments des partisans de la peine de mort et ceux des abolitionnistes, Me Ali Yahia a conclu qu’on ne peut pas mettre un terme à la violence que représente la peine de mort si l’éducation ne joue pas son rôle en faveur de la nécessité du respect de la personne humaine.
Allant droit au but, Me Bouchachi a soutenu que la peine de mort en Algérie est un moyen de pression sur les opposants entre les mains des tenants du système.
“En Algérie, nous avons plus de raisons pour demander la suppression de la peine de mort”, soutient-il.
Pourquoi ? “La peine de mort n’est pas maintenue par application de la charia ou pour des impératifs d’éducation mais plutôt pour terroriser et faire peur aux opposants politiques pour assurer la continuité du système. En outre, le pouvoir judiciaire est un moyen entre les mains du système”, explique-t-il.
Autre argument brandi par Me Bouchachi pour plaider pour l’abolition de la peine de mort : aux États-Unis comme ailleurs, il y a moins de crimes dans les pays où la peine de mort est abolie.
Le sociologue Zoubir Arous estime pour sa part qu’il ne faut pas aborder la problématique de la peine de mort sous le prisme religieux mais plutôt du seul point de vue juridique.
Pourquoi ? L’histoire musulmane est jalonnée de personnes dont des hommes de la religion exécutés au nom de la charia.
“C’est parce que je suis un musulman que je demande la suppression de la peine de mort”, s’exclamet-il.
Pour Me Khaled Bourayou, il n’est pas aisé d’aborder la question de l’abolition de la peine de mort en Algérie en l’absence d’une culture humaniste en Algérie.
Pour lui, la priorité est plutôt d’améliorer les conditions de détention des prisonniers algériens.
Quant à Me Brahimi, il a invité les partisans de l’abolition à faire preuve d’imagination pour mettre à jour leur argumentaire.
Mieux, il propose un autre argument, à savoir que la peine de mort doit être abolie car c’est la suprême torture.
De son point de vue, l’Algérie a tout à gagner à décider de son propre chef la suppression de la peine de mort avant qu’il ne lui soit imposé de l’extérieur comme c’est le cas de la Turquie qui, pour les besoins d’adhésion à l’UE, s’est vue contrainte de supprimer la peine capitale.
Partisan du maintien de la peine de mort, M. Amara, enseignant à l’université d’Alger, estime qu’il n’y a pas lieu de débattre des textes coraniques très clairs sur la question de la peine de mort.
Après avoir rappelé les quatre cas (apostasie, adultère, assassinat…) définis sur lesquels, selon la charia, s’appliquent la peine de mort, M. Amara a estimé qu’en l’absence d’un État de droit garant d’une justice indépendante, les conditions d’une application rigoureuse et juste des textes coraniques ne sont pas réunies en Algérie.
Aussi, il s’est dit favorable au gel de la peine de mort en raison de l’absence de conditions de son application.
Ayant consacré son mémoire de magistère à la peine de mort dans la charia, un autre enseignant universitaire a estimé qu’au vu des conditions drastiques exigées par le texte coranique, il est pratiquement impossible d’appliquer la peine de mort.
Notons, enfin, que cette rencontre devait se tenir à l’hôtel d’El-Biar avant que les organisateurs ne se rabattent sur le siège de la ligue pour cause d’absence d’autorisation.
ARAB CHIH