Dans un contexte de tensions avec le Maroc et de guerre en Ukraine, a débuté mardi dernier à Béchar, près de la frontière marocaine, l’opération militaire algéro-russe, « Bouclier du désert ». Quelque 200 soldats des forces antiterroristes des deux pays (une moitié d’Algériens, une autre moitié de Russes) y prendront part. Ces manœuvres terrestres conjointes entre l’Algérie et la Russie constituent une première historique sur le sol algérien.
Les exercices, qui dureront plusieurs semaines, simulent un combat antiterroriste dans un environnement désertique et impliqueront l’infanterie motorisée du Caucase russe, les brigades « motostrelki ». En outre, le quartier général des opérations se situe à la base militaire Hammaguir, une localité de Béchar qui se trouve à seulement 50 km de la frontière avec le Maroc. Il s’agit là d’un clin d’œil historique, car Hammaguir est une région où l’armée française, en vertu des accords d’Évian, s’est maintenue jusqu’en 1967 et a pu y organiser des tirs de missiles.
Algérie-Russie : une coopération militaire et économique de plus en plus étroite
L’opération « Bouclier du désert » révèle l’accélération de la coopération militaire entre l’Algérie et la Russie. Au mois d’octobre 2022, les deux pays ont déjà organisé des manœuvres navales conjointes au large du port d’Alger. Dans l’autre sens, l’Algérie avait pris part, il y a quelques semaines, aux exercices militaires Vostok 2022, dans l’est de la Russie.
La coopération algéro-russe est encore plus forte sur le plan industriel et commercial. L’Algérie, qui envisage de multiplier par deux son budget de défense en 2023 est en passe de devenir le plus gros importateur d’armes russes au monde. Comme nous l’avons rapporté dans un précédent article, l’Algérie et la Russie s’apprêtent à signer un méga-contrat militaire d’un montant de plus de 11 milliards de dollars. Un contrat où pourrait figurer l’acquisition par l’Algérie du nouveau chasseur Soukhoï Su-75 « Checkmate » de 5e génération.
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Plus généralement, 80 % des équipements militaires que l’Algérie a importés depuis 2017 proviennent de Russie. À ce titre, le Chef d’État-Major de l’ANP, Saïd Chanegriha, a reçu, jeudi (10 novembre), le directeur du Service fédéral de la Coopération militaire et technique russe, Chougaev Dimitri Evguenievitch.
Sur le plan économique, Alger compte aussi sur le soutien de Moscou pour réaliser l’un de ses principaux objectifs : rejoindre le club des BRICS. Du reste, le président Tebboune devrait accomplir une visite officielle en Russie avant la fin de l’année.
Par ailleurs, l’Algérie et la Russie sont deux pays qui partagent une vision du monde assez proche et leur alliance est ancienne. Elle remonte à l’époque de l’Union soviétique. Il y a une quinzaine d’années, la Russie avait effacé à l’Algérie une dette de près de cinq milliards dollars.
La tension avec le Maroc à l’origine du rapprochement entre Alger et Moscou
De nombreuses raisons expliquent le renforcement des relations algéro-russes.
D’abord, le climat de tension entre l’Algérie et son voisin marocain. Depuis plusieurs années, les deux pays ne sont pas en odeur de sainteté, notamment sur la question du Sahara occidental.
Le Maroc considère que cette zone lui appartient ; et à partir de la présidence Trump, il a reçu le soutien des États-Unis. À l’inverse, l’Algérie appuie le Front Polisario qui revendique l’indépendance du territoire. Orchestrer avec les forces russes des manœuvres militaires à 50 km de la frontière, c’est donc, pour Alger, envoyer un message fort à Rabat, même si la porte-parole des AE russes souligne que ces exercices conjoints « ne visent aucun pays tiers ».
Ensuite, le Maroc a organisé, en juin dernier, les manœuvres « Africa Lion » auxquelles ont pris part, les États-Unis, des pays membres de l’OTAN et surtout… Israël. Il s’agissait du plus grand exercice jamais organisé dans le royaume chérifien. Et Alger n’a, bien entendu, pas manqué de relever cela.
Enfin, l’armée algérienne a décidé de réinvestir sa frontière sud, dans la zone du Sahel, afin d’y combattre les groupes terroristes de l’État islamique au Grand Sahara, dans le nord du Mali. Une volonté que partage son partenaire russe.
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Un autre élément vient mettre Alger en position de force et lui permet de traiter directement avec Moscou. En pleine crise énergétique qui fait suite au conflit en Ukraine, les réserves en pétrole, mais surtout en gaz, de l’Algérie font que notre pays est particulièrement courtisé par les Européens, et depuis peu, par les États-Unis aussi…