PARIS – La visite de travail, en début de l’année en France, du ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, la première du genre depuis l’indépendance de l’Algérie, aura été le fait le plus marquant de l’année 2016 dans les relations algéro-françaises.
Cette visite de trois jours, qualifiée d’ »historique », s’est achevée avec une note d’optimisme quant à la volonté de l’Algérie et de la France de régler les dossiers liés à la mémoire, même si des résistances persistent au sein de la classe politique française, notamment de droite.
« Si je n’étais pas optimiste, je ne serais pas venu en France pour une visite de travail », ne cessait de souligner Tayeb Zitouni qui était d’un message « clair » à la France et aux Français, les assurant de la volonté de l’Algérie d’établir « un climat de confiance pour construire un avenir prometteur pour les relations entre les deux pays ».
Dans ce contexte, trois grands dossiers sont en chantiers entre les deux pays les archives, les disparus durant la guerre de libération et les victimes des essais nucléaires français dans le sud algérien.
« Nous n’avons, avec la France, aucun différend. Nous avons seulement, entre nous, des dossiers en suspens qui empoisonnent constamment nos relations », avait-il martelé, soulignant que les Algériens « n’éprouvaient aucune hostilité ni rancœur vis-à-vis du peuple français ».
Mais, du côté français, les vieux démons ne comptaient pas rester indifférents et ont saisi l’occasion de la célébration par le président François Hollande de la journée du 19 mars (1962 : cessez-le-feu qui marque la fin de la colonisation française en Algérie) pour déposer un projet de loi abrogeant celle instituant cette journée nationale française.
== Des résistances persistent en France==
La célébration officielle de cette journée, appelé par la France « Journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats au Maroc et en Tunisie » et par l’Algérie « Journée de la Victoire », le 19 mars dernier par François Hollande, a été considérée par la droite française comme un « affront » et a suscité de vives réactions.
Face à cette résistance très passionnelle d’une partie de la classe politique française, que l’historien Alain Ruscio qualifie de tenants de « l’Algérie française de papa » qui « pensent encore détenir la vérité sur leur histoire », 78 députés de la gauche ont déposé il y a quelques semaines un projet de loi décliné en un seul article : « La France reconnaît publiquement sa responsabilité dans le massacre causé par la répression de la police française le17 octobre 1961 à Paris, de manifestants algériens réclamant l’indépendance de leur pays ».
Ils ont estimé que le 17 octobre 2012, le président François Hollande, « en reconnaissant le caractère sanglant de la répression, a ouvert la voie de la reconnaissance de ce massacre par le Parlement français ».
Dans ces dossiers liés à la mémoire des deux pays, la question des 36 crânes de résistants algériens, conservés au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) de Paris depuis le milieu du XIX siècle, a ressurgi en 2016, après toute la lumière faite en 2011 par l’historien algérien Ali Farid Belkadi, à l’origine de cette découverte.
= Les crânes de résistants algériens attendent leur sépulture=
A cet effet, une pétition a été lancée en ligne par un universitaire algérien Brahim Senouci pour rapatrier en Algérie ces restes afin d’ »y recevoir une digne sépulture ».
Le directeur des collections au MNHN, Michel Guiraud, avait déclaré à l’APS que son institution était « prête » à examiner « favorablement » la demande de restitution des 36 crânes de ces chouhada, résistants algériens morts au champ d’honneur au début de la colonisation française.
Pour sa part, le ministre des Moudjahidine avait indiqué, en octobre dernier, que les démarches « vont bon train » pour récupérer ces ossements et les enterrer en Algérie, soulignant que « la dignité humaine est sacrée et doit être respectée même pour les morts et que rien ne justifie, ni moralement ni idéologiquement, que ces ossements soient laissés dans la situation déplorable actuelle ».