Après avoir fait parler des associations consuméristes sur les dernières affaires en date, faisant apparaitre des alertes sur un certain nombre de produits dont la qualité est mise en doute, le Forum du Courrier d’Algérie a reçu, hier, l’Association des producteurs algériens de boissons pour écouter sa version des faits.
Ainsi, son président Ali Hamani, tout en invitant les consommateurs à faire preuve de prudence dans la consommation, il déplore l’imprudence avec laquelle sont lancées ces alertes. Quoiqu’il dise être d’accord avec ce système, lequel est à même d’attirer l’attention de tout le monde sur un danger à la santé publique, le représentant des producteurs de boissons relève une mauvaise communication de l’autorité du Commerce. Mais surtout les approximations, voire les rumeurs, sur lesquelles sont basés les rapports des directions locales.
Et comme la dernière affaire est liée à une marque d’eau minérale, Hamani fait un exposé sur une filière qui compte 63 entreprises qui sont en activité sur un total de 97 autorisations délivrées pour des opérateurs. «Comme l’eau est une source stratégique et sensible, cette filière est la plus contrôlée dans le domaine. Le contrôle se fait de façon stricte et rigoureuse par l’institut Pasteur et les laboratoires assermentés de l’Hydraulique», s’est défendu le président de l’APAB comme pour faire peu de cas de l’affaire de l’eau de marque «Texenna». Mais pendant qu’en y est, il a révélé que les opérations de contrôle et l’enquête diligentée pour élucider l’affaire se poursuivent toujours et l’activité de l’usine demeure gelée pour le moment. Si maintenant il dit être d’accord qu’il y ait des alertes, il appelle surtout à prendre le sujet avec tact et prudence, tant les conséquences s’avéreront préjudiciables pour l’image de marque du produit.
C’est le cas aussi de l’autre affaire des plus édifiantes qui ont fait couler beaucoup d’encre, notamment le jus de marque «Amila», dont l’activité d’une ligne de production de l’usine est gelée et est soumise donc au contrôle. Ce qui pose surtout problème aux yeux du représentant des industriels de la filière boissons, c’est surtout le «défaut de communication» des autorités du secteur. «J’ai moi-même interpellé le ministère du Commerce sur ces alertes qui portent préjudice aux producteurs. Je suis d’accord avec les alertes, mais faisons-le avec attention ! », Soutient Hamani, qui plaide pour plus de rigueur dans la communication et l’action dans pareille situation d’alerte.
«Nous pourrons exporter jusqu’à 30 millions de dollars»
Pourtant, dans le feu de l’alerte, des preuves mettant en avant des résultats de laboratoires ont accompagné les signalements de ces produits de boisson dont la teneur en certains composants et la qualité sont mis en doute. Il n’en est pas le cas pour notre invité. Preuve en est, l’APAB qu’il dirige n’a réagi qu’une fois le nuage est passé par souci d’attendre les résultats des enquêtes menées sur les cas soulevés. Un cheveu dans la soupe, pour ainsi dire, qui tombe dans une filière en pleine croissance comme l’a fait savoir Hamani.
En effet, selon lui, la production algérienne de boissons arrive en deuxième position dans le secteur industriel en matière de croissance (8%), quoiqu’elle ait régressé entre 2017 et 2018 ainsi située entre 2 et 4%. Au titre du nombre des opérateurs, il y a 1 767 opérateurs inscrits sur le fichier national du Registre de commerce, alors que l’Office national des statistiques parle de 800 entreprises dans cette filière. Si maintenant il défend une productions capable d’exporter pour une valeur marchande de 30 millions de dollars en 2019, Hamani déplore l’anarchie qui règne dans la filière des boissons alcoolisées.
Selon un constat qu’il a établi, il dit que sur 67 producteurs avancés, il n’ y a à vrai dire que quelque sept qui exercent dans la régularité. «Il faut procéder à un toilettage et établir des statistiques exactes car on n’arrive plus à suivre les choses», dénonce-t-il tout en restant optimiste quant à ce que les choses évoluent dans le bon sens avec l’arrivée du Registre de commerce électronique qui permettra plus de traçabilité. Reprenant avec le domaine de l’exportation, Hamani fait le bilan de l’APAB : «En 2016 et 2017, nous avons exporté à raison de 35 millions de dollars, 20 millions en 2018 et nous tablons jusqu’à 30 millions en 2019», a-t-il annoncé tout en appelant les autorités, le Commerce dans le viseur, à faciliter la procédure aux opérateurs algériens, pour conquérir davantage les marchés étrangers, de surcroît pour une orientation économique qui commande d’étendre son assiette production à l’exportation.
Le produit local couvre «95%» de la consommation nationale
Preuve à l’appui de ce potentiel des «boissonneurs» algériens à relever le défi à l’exportation, Hamani fait savoir qu’il y a des producteurs qui tâtent déjà le terrain du marché africain, dans la foulée des opérations d’exportations faites récemment en Mauritanie, comme ouverture vers le marché africain. Toutefois, Hamani relève le problème de la mise en place de représentants des opérateurs au niveau des pays visés par l’exportation. Ainsi déplore-t-il un «refus des autorités du Commerce» de délivrer une autorisation pour permettre aux opérateurs algériens d’aller dans ce projet alors que leurs compères étrangers sont autorisés à le faire en Algérie.
«Les producteurs algériens sont prêts à relever le défi de l’exportation. Laissez-les travailler et permettez-leur d’ouvrir des représentations à l’étranger, créer des showrooms, payer leurs agents sur place… etc.», plaide le patron de l’APAB. Il fait noter que le problème ainsi soulevé par l’APAB concernant également d’autres filières dont les opérateurs ont maintes fois interpellé les autorités sur la nécessité d’aller vers cette idée, qui permettra une présence de représentants des opérateurs sur les marchés étrangers.
Autre sujet sur lequel l’attention de notre invité a été attirée, il s’agit du texte de loi qui impose l’étiquetage sur le produit permettant au consommateur de connaître la liste des composants, surtout la teneur en sucre. Il s’agit surtout de connaître le niveau de conformité des producteurs de boissons à cette loi. «Il faut savoir que nous sommes en avance par rapport à cette loi qui entrera en vigueur en mars prochain. Nous sommes déjà dans le texte. Car un délai de 5 à 6 ans nous a été accordé pour se conformer à cette exigence», répond le conférencier qui émet toutefois des réserves quant à la réalisabilité «difficile» de cette tâche. Et pour cause, selon lui, pour pouvoir réduire le taux de sucre dans un produit, cela équivaut à changer la recette. Mais, la loi reste la loi, et Hamani défend, au contraire, le respect du cadre de la loi, car, et avant tout, «cela va de l’intérêt du producteur, qui doit axer son produit sur la qualité».
Interrogé justement si l’Association qu’il dirige reste de garde sur tous «opérateurs véreux» susceptibles de porter atteinte à l’image des producteurs de boissons, Hamani reste formel. «Nous n’avons pas le droit d’avoir dans nos rangs ceux qui ne respectent pas les normes de production», a-t-il répondu. Une discipline à laquelle s’astreint l’APAB, ou mieux encore, pour reprendre son président, «une grande responsabilité car 95% des boissons que nous consommons sont fabriquées localement». Enfin, Hamani, qui renvoie au marché informel des boissons, met en garde les consommateurs qu’il invite à «ne pas acheter la maladie pour leurs enfants».
Farid Guellil