Le bon élève, c’est lui : Philipp Lahm symbolise la qualité technique et l’intelligence tactique de l’équipe d’Allemagne, vertus que le capitaine compte voir couronnées du titre en finale du Mondial-2014 face à l’Argentine, aujourd’hui au Maracana. Le joueur joue sa carrière sur un match, dans le temple du “futebol”. Bien sûr, il est déjà bardé de titres avec le Bayern Munich, conquis notamment en 2013 avec un triplé Ligue des champions-Coupe d’Allemagne-Championnat, et même en 2014 avec un doublé national. Mais sous le maillot frappé de l’aigle, il n’a rien gagné. Il a même commencé par perdre, lors de l’élimination dès la phase de groupes à l’Euro 2004, son premier grand tournoi international. Puis vient la collection d’accessits, 3e place au Mondial 2006, finale perdue à l’Euro-2008, 3e place au Mondial 2010, demi-finale à l’Euro 2012… A chaque fois, le latéral figure dans l’équipe-type, du haut de son 1,70 m. Disputer la 3e place d’un Mondial, “je n’en ai vraiment pas besoin, je préférerais me barrer avant”, avait-il lancé avant la demi-finale. Le bon élève veut remporter le concours à tout prix.
“L’équipe est mûre”
Car pour lui, le moment est venu. “Notre génération, avec ses qualités, sait ce dont il s’agit ; elle s’est développée ces dernières années, elle a encore disputé une demi-finale de championnat d’Europe il y a deux ans, a dit l’arrière droit vendredi. On a toujours montré qu’on se préparait bien avant les grands tournois, et c’était le cas ici aussi. L’équipe est mûre.” Pour le centenaire (112 sélections, 5 buts), le moment est venu, y compris parce qu’à 30 ans c’est peut-être le dernier : “Je suis conscient de disputer peut-être ma dernière Coupe du monde, et je vais donc jeter toutes mes forces dans la bataille, être encore plus concentré.” Lui-même est un concentré de son équipe par sa polyvalence, déjà, à l’image d’autres éléments passés maîtres dans le dépassement de fonction, un Müller “faux 9” et vrai buteur, un Khedira milieu récupérateur à percées axiales, un Neuer jouant “goal volant” comme à la récré.
Lahm est “peut-être le joueur le plus intelligent que j’aie entraîné dans ma carrière”, s’était exclamé Pep Guardiola, le nouvel entraîneur du Bayern, peu après son entrée en fonction en août 2013. Il y avait là peut-être une part de volonté d’amadouer le taulier, mais aussi une manière de souligner le flair tactique et la flexibilité d’un arrière latéral repositionné en sentinelle. Avec succès. Le sélectionneur Joachim Löw, qui ne tarit pas non plus d’éloges sur son capitaine, a lui-même transposé l’idée en équipe nationale. Mais c’était en attendant que le duo habituel composé par Schweinsteiger et Khedira, qui relevaient de blessure, fonctionne à plein régime. Le “Kapi”, comme l’appellent ses coéquipiers, a pourtant relativement donné satisfaction au milieu, mais davantage derrière, où il a écœuré Hulk lors du “Mineirazo” de la demi-finale mardi dernier contre le Brésil (7-1), tout en délivrant sa deuxième passe décisive du tournoi. Souple, intelligent, mais déterminé, comme son équipe. Devenu capitaine au Mondial 2010 en l’absence de Michael Ballack, blessé, il avait clamé qu’il ne rendrait pas le brassard aussi facilement. Lahm, contrairement à ce que signifie son nom en allemand, n’est pas un mou, et dit ce qu’il pense, quitte à ce que cela lui apporte des ennuis. En novembre 2009, le Bayern lui avait infligé une amende de 25 000 euros pour avoir donné un entretien où il critiquait la politique du club et les lacunes dans le jeu. En 2011, il publiait une biographie où il éreintait plusieurs de ses entraîneurs : Rudi Völler est un flemmard, Louis van Gaal n’assume pas ses erreurs et Jürgen Klinsmann est un balourd sur le plan tactique. Il a aussi appris à faire moins de vagues avec le temps. Interrogé sur une éventuelle célébration particulière au moment de soulever le trophée, le capitaine de la Nationalmannschaft a répondu qu’il n’y avait “pas encore pensé” et ferait cela de manière “spontanée”. “Je crois que je vais me coucher très tôt… enfin tôt dans la matinée”, a aussi lâché en riant le bon élève. Une fois qu’il aura fini ses devoirs.