ALLÔ ! – Arirang, le premier smartphone nord-coréen… ou pas

ALLÔ ! – Arirang, le premier smartphone nord-coréen… ou pas

Le monde change, la Corée du Nord fait semblant de s’adapter. Samedi 10 août, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a effectué une visite dans l’usine du 11-Mai, une usine d’Etat dans laquelle seraient produits les premiers smartphones nord-coréens, baptisés « Arirang ».

Le nom de ce petit bijou de technologie fait référence à une chanson traditionnelle très populaire dans les deux Corées, mais revisitée par l’ancien numéro un du pays, Kim Il-sung, afin d’en faire un hymne de propagande.

La visite du grand leader est chantée comme il se doit par le communiqué de l’agence officielle KCNA, qui vante la qualité d’une caméra possédant « beaucoup de pixels » :

« Kim Jong-un a visité différents endroits de l’usine, dont la ligne d’assemblage. Il s’est renseigné en détail sur les performances, la qualité et le boîtier du téléphone portable Arirang fabriqué dans cette usine. […] Après avoir entendu ce qu’étaient les performances d’un téléphone portable tactile, il a déclaré qu’un portable était pratique pour l’utilisateur quand cette partie de l’appareil était sensible. Il a remarqué que ces téléphones seront très pratiques pour leurs usagers car la caméra a beaucoup de pixels. »

Seul problème : hormis quelques caciques du régime, les Nord-Coréens n’ont pas accès à Internet ; le réseau national, baptisé « Kwangmyong » et administré par le FAI d’Etat, est une sorte d’intranet coupé du reste du monde ; et il est à peu près certain que ce téléphone n’a pas été fabriqué en Corée du Nord, mais en Chine, rapporte le spécialiste de la Corée du Nord, Martyn Williams, sur son blog NorthKoreaTech.org.

Le téléphone Arirang.

Cette visite a lieu deux ans après la dernière visite de Kim Jong-un dans cette même usine, rappelle Martyn Williams. Le leader avait alors accompagné son père, Kim Jong-il, dans les lignes d’assemblage de téléviseurs à écran plat LCD.

« A cette époque, j’avais noté que les lignes de production filmées à la télévision lors de cette visite ne ressemblaient en rien à des usines de produits électroniques classiques, et c’est encore le cas cette fois. Les travailleurs apparaissent à côté des produits finis : ils les inspectent et les testent, mais aucun travail de manufacture n’est montré, poursuit-il. Ils sont probablement fabriqués en Chine et envoyés dans l’usine du 11-Mai où ils sont empaquetés avant de partir à la vente. »

Pourquoi diable Kim Jong-un est-il si excité à l’idée de produire des smartphones qui ne peuvent être utilisés comme tels et ne sont pas même fabriqués en Corée du Nord ? s’interroge le Washington Post.

Le quotidien américain rappelle que le jeune dictateur a fait ses études en Suisse, où il a goûté aux joies de la modernité, et qu’il a récemment été photographié en possession d’un smartphone, une première dans la grande lignée des Kim.

Mais l’explication la plus probable réside dans la demande croissante des Nord-Coréens pour des smartphones permettant d’appeler à l’étranger, déjà disponibles sur le marché noir le long de la frontière chinoise. En flattant la fibre patriotique du « Made in North Korea » et en proposant un simili-smartphone peu coûteux et moins dangereux pour le régime, Pyongyang espère ainsi faire illusion auprès de sa population tout en continuant à contrôler son usage des nouvelles technologies.

Selon les chiffres officiels, 450 000 Nord-Coréens possédaient des téléphones portables en 2011, et près de 2 millions aujourd’hui, sur une population de 24 millions. Mais ils ne peuvent appeler à l’étranger et n’ont évidemment pas accès à Internet, une réalité que le régime espère voir perdurer avec son nouveau gadget.

DES SIGNES D’OUVERTURE

De récentes évolutions laissent néanmoins entrevoir des signes d’ouverture. Depuis février, les étrangers de passage en Corée du Nord peuvent surfer librement sur leur smartphone en utilisant le réseau 3G de Koryolink, le principal opérateur du pays.

Des journalistes, comme Jean H. Lee et le photographe David Guttenfelder, tous deux employés par l’agence Associated Press, ont profité de la brèche pour poster sur Twitter et Instagram des photos géolocalisées depuis le pays.

Un passionnant article de la BBC, déniché par Korben.info, révélait en décembre 2012 quelques détails sur la façon dont fonctionne l’Internet à la mode nord-coréenne. On y apprend que le pays ne compte qu’un cybercafé, dans la capitale évidemment, et que l’année affichée sur les ordinateurs n’est pas 2012, mais 101, c’est-à-dire le nombre d’années depuis la naissance de Kim Il-sung. « Sur chaque site officiel nord-coréen, il y a un bout de script qui augmente automatiquement la taille de police du nom de Kim Jong-un ou de ses sous-fifres, si l’un d’eux est mentionné », résume Lorben.info.

On apprend également que Windows, qui n’a pas droit de cité, est remplacé par un OS officiel, Red Star, et que les ordinateurs sont équipés d’une version modifiée de Firefox baptisée « Naenara ».

Red Star.