Le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, a prononcé lundi après-midi à Nice une allocution lors d’une séance à huis clos consacrée aux questions de paix et de sécurité à l’occasion du 25e sommet Afrique-France, dont voici le texte intégral :
«Monsieur le Président, «Messieurs les chefs d’Etat et de gouvernement, «Mesdames et Messieurs,
La question de la paix et de la sécurité constitue une préoccupation pour l’Afrique. La persistance des conflits et foyers de tensions obère ses capacités et entrave sérieusement ses efforts de développement socioéconomique et l’accès de ses peuples au bien-être.
La détermination de l’Afrique à s’attaquer vigoureusement au fléau des conflits et à relever le défi de la paix et de la sécurité est clairement soulignée par l’Acte constitutif de l’Union africaine et le programme du NEPAD. Elle est fondée sur l’appropriation par l’Afrique des processus et mécanismes de règlement et de gestion des conflits et de consolidation de la paix et la sécurité, qui conditionnent la viabilité de toute œuvre de développement économique et social.
L’Union africaine a mis en place un système de sécurité collective et son architecture de paix et de sécurité. Elle a contribué, à travers ses mécanismes que sont le Conseil de paix et de sécurité et la commission, à faire progresser les processus de paix et à réaliser des progrès considérables sur la voie du rétablissement et de la consolidation de la paix et de la stabilité. Des pays comme la Côte d’Ivoire, la Sierra Leone, le Liberia et les Comores se remettent graduellement des séquelles des crises qu’ils ont vécues et se sont engagés dans un processus de reconstruction et de développement.
Le processus de paix au sud Soudan et dans la région des Grands Lacs a marqué d’importantes avancées qu’il convient de conforter par la pleine mise en £uvre des décisions et accords conclu entre les principaux acteurs de cette crise. Tous les autres conflits et foyers de tension tels ceux qui prévalent en Somalie et au Darfour font l’objet d’efforts constants en vue de mettre en œuvre des solutions justes et durables.
Les accords-cadres signés respectivement à Doha, le 23 février et le 19 mars 2010, entre le gouvernement soudanais et le Mouvement pour la justice et l’égalité, ainsi qu’avec le Mouvement de libération pour la justice constituent le cadre idoine pour le règlement définitif et durable de la crise au Darfour et un acquis important qu’il importe de préserver et de soutenir.
Du fait des promesses et des perspectives qu’ils autorisent, ces accords-cadres, qui jouissent du soutien de l’Union africaine et de la communauté internationale, méritent d’être appuyés et consolidés pour parvenir à un accord de paix final.
Dans ce contexte, nous lançons un appel aux autres groupes pour qu’ils y adhèrent, et à la communauté internationale pour qu’elle soutienne concrètement les efforts africains afin que le peuple soudanais puisse retrouver son unité et sa cohésion et se consacrer enfin à l’œuvre nécessaire de reconstruction et de développement économique et social.
La Somalie mérite aussi notre attention et notre soutien.
La crise somalienne ne saurait être réduite à une simple question de piraterie maritime. Le pays est toujours en proie à l’instabilité, en dépit de l’accord de Djibouti et de l’élection du président Sheikh Sharif Ahmed et du Parlement élargi.
Le climat d’insécurité et de violence instauré par les groupes rebelles et l’intensification des actes de piraterie au large des côtes somaliennes sont venus compliquer une situation déjà très précaire.
Il est impératif de renforcer les capacités des institutions somaliennes, de consolider la stratégie globale de sortie de crise et de restaurer l’Etat somalien dans sa plénitude. Le renforcement de l’AMISOM sur le plan humain et logistique, le déploiement d’une Force onusienne de stabilisation sont de nature à aider le gouvernement somalien à asseoir son autorité et accélérer le processus de règlement de la crise.
Les crises générées par les processus électoraux ainsi que les changements anticonstitutionnels de gouvernements présentent, eux aussi, un problème majeur que le continent s’est attelé à relever en vue d’assurer une gestion consensuelle et paisible du processus démocratique. La détermination de l’Afrique à s’attaquer aux situations d’instabilité qu’elles engendrent est d’autant plus ferme que l’enjeu est de préserver les évolutions démocratiques que connaît le continent.
Elle s’est exprimée à travers la décision d’Alger de 1999 et la Déclaration de Lomé de 2000 sur les changements anticonstitutionnels, adoptées par l‘OUA, ainsi que par la Déclaration de l’OUA/Union africaine sur les principes régissant les élections démocratiques en Afrique, et par celle sur la gouvernance démocratique, politique, économique et des entreprises dans le cadre du NEPAD.
La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, adoptée par l’Union africaine le 20 janvier 2007, est venue réaffirmer, quant à elle, le souci des dirigeants africains d’enraciner une culture politique fondée sur la tenue régulière d’élections transparentes, libres et justes.
Ces nombreux instruments adoptés par l’Union africaine pour prévenir les changements anticonstitutionnels et promouvoir la démocratie et des élections libres et transparentes, témoignent de l’engagement des dirigeants africains à contenir les foyers de crises et à œuvrer sans relâche pour l’approfondissement et la consolidation de l’Etat de droit, de la paix et de la sécurité.
Nous nous félicitons que le Conseil de sécurité des Nations unies ait entendu l’appel de l’Union africaine à renforcer le dispositif de lutte contre le financement du terrorisme et de l’introduction dans sa résolution 1904 de dispositions criminalisant le versement des rançons aux groupes terroristes.
Ayant pris des proportions inquiétantes ces dernières années, le paiement des rançons aux terroristes preneurs d’otages appelle à une solidarité accrue et un effort commun pour qu’il y soit définitivement mis un terme. S’agissant de la lutte contre le terrorisme, beaucoup d’efforts ont été consentis jusqu’ici. L’arsenal juridique devrait, toutefois, être renforcé par l’adoption du projet de convention globale de lutte anti-terroriste.
Les activités engagées par les Africains eux-mêmes en faveur de la restauration de la paix et du rétablissement de la sécurité, constituent une contribution substantielle à l’œuvre globale d’apaisement et de règlement des conflits. Elles traduisent notre ferme résolution à prendre en charge de manière plus effective l’ensemble des facteurs qui participent à l’émergence des crises et à l’exacerbation des tensions.
Les pays africains consacrent, déjà, une part non négligeable de leurs ressources au service des objectifs de paix.
Toutefois, ils ont besoin d’un soutien plus conséquent de leurs partenaires aux plans financier, logistique et de formation, leurs capacités propres étant en deçà des besoins et des exigences d’une politique efficace de prévention, de gestion et de règlement des conflits.
Nos partenaires européens notamment devraient assumer leur part de responsabilité et accompagner les pays africains dans leurs efforts pour relever ces multiples défis. Les avancées enregistrées dans le cadre de la cogestion des conflits entre l’Union africaine et l’ONU sont réelles, mais beaucoup reste à faire au regard du besoin d’une coopération dense et d’un engagement soutenu des partenaires de l’Afrique et du Conseil de sécurité.
Il est souhaitable de renforcer le partenariat entre l’Union africaine et les Nations unies, à travers le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale, ce qui permettra de mener, dans de meilleures conditions, les initiatives africaines visant à éloigner les spectres de la guerre et de la violence.
L’Union africaine est disposée à intensifier les consultations pour un partenariat authentique pour la paix en Afrique où seraient clairement définies les responsabilités et concrètement précisés les rôles de chacun pour que l’architecture visant à servir les objectifs de prévention, de gestion et de règlement des conflits soit un cadre plus opérationnel et efficace.
Un tel partenariat devrait aussi nous inciter à travailler ensemble afin de renforcer les capacités continentales et les mécanismes opérationnels destinés à consolider notre système de sécurité collective et de prévenir ainsi les crises potentielles, contenir les conflits ouverts et promouvoir leur règlement durable».