Adlène Badis
Alors que la crise politique brille par une incapacité d’évolution maintenant un cap vers une élection présidentielle à laquelle personne ne semble croire, la justice a entamé un mouvement jusque-là inédit.
Les affaires de justice animent désormais la vie nationale sous fond de grosses interrogations sur l’avenir immédiat du pays. Les détentions de personnalités publiques, dans le cadre d’enquêtes judiciaires, et l’annonce de l’ouverture d’autres instructions mettant en cause des noms connus du monde politique, économique et militaire, tendent à accaparer l’attention de l’opinion. Entre le Tribunal de Sidi M’hamed et la Cour de justice militaire de Blida, l’activité est à l’emballement. Les instructions judiciaires, qui se poursuivent à un rythme particulièrement soutenu, ont littéralement occupé le champ médiatique suscitant surprises et controverses.
L’actualité quotidienne est quasi monopolisée par l’action de la justice jusqu’à faire oublier que le pays a irrémédiablement basculé dans l’une des crises politiques les plus complexes de son histoire. Cette priorisation, visiblement entretenue, voudrait nourrir les velléités de ceux qui estiment qu’est bien arrivé «le temps de rendre compte» et que cela est intimement lié à la volonté populaire de changement. L’opinion semble partagée entre ceux qui estiment que la priorité du moment est bien le traitement de la crise politique et que le moment de la justice viendra plus tard, et ceux qui estiment que l’une n’empêche pas l’autre, applaudissant à ces actions judiciaires.
Mais certaines affaires continuent à provoquer un malaise mettant à mal certains clivages dans la société algérienne. La mise, par exemple, sous mandat de dépôt de la présidente du PT Louisa Hanoune continue à susciter l’incompréhension dans une conjoncture d’une extrême sensibilité. Le statut de personnalité politique et chef de parti de l’opposition de la passionaria algérienne a visiblement joué.
Ces actions de justice, probablement inédites par leur ampleur et leur rythme, tendent à occuper le terrain alors qu’une grosse attente est palpable du côté de la politique. Il est évident que le rythme de la machine judiciaire, d’habitude plus long, a largement dépassé celui de la mise en place d’un processus de règlement de la crise politique.
L’élection présidentielle, toujours prévue le 4 juillet prochain, semble, au fil des semaines, une perspective déjà caduque. Dans les prochains jours, tout le processus qui a été lancé par le chef de l’Etat Abdelkader Bensalah, le 10 avril dernier, risque de s’arrêter irrémédiablement faute d’adhésion.
Le passage vers une solution alternative à ce processus, qui risque bien d’être mort-né, est en train de s’avérer inéluctable pour maintenir une possibilité de sortie de crise. Sauf que l’idée d’une formule nouvelle, et surtout consensuelle, ne semble toujours pas apparaître. Il reste difficile d’imaginer quels choix feront, dans les prochains jours, les décideurs pour engager le pays dans une nouvelle voie. Et quel sera la réaction du Hirak. Les Algériens, qui sortent dans la rue depuis le 22 février, demeurent déterminés dans leurs revendications de changement. Une intransigeance dans le refus d’accepter un processus électoral sous l’égide de ceux-là mêmes qui ont accompagné les précédentes élections passées frappées de suspicion. Après douze semaines de contestation, et à un peu plus d’un mois et demi de la date du scrutin, l’heure est au choix cornélien.