Abasourdis par le fait que le cerveau présumé des attentats de Paris ait pu traverser toute l’Europe pour rallier Paris sans qu’il soit signalé par aucun service de sécurité ou de renseignement, les responsables européens
ont décidé, hier, de mettre en place “immédiatement” des contrôles renforcés aux frontières extérieures de l’UE.
En réussissant à rejoindre la capitale française depuis la Syrie en passant par un certain nombre de pays européens sans être repéré, Abdelhamid Abaaoud, qui faisait l’objet d’un mandat d’arrêt international, a mis à nu les failles du système de sécurité de l’Union européenne.
À la question de savoir comment ce terroriste notoire, que d’aucuns croyait en Syrie, a-t-il pu atteindre Paris, le Premier ministre français, Manuel Valls, a eu pour seule réponse : “Nous ne savons pas.” Dans le même ordre d’idées, son ministre de l’Intérieur a ajouté : “Aucune information émanant de pays européens dans lequel il aurait pu transiter (…) ne nous a été communiquée.”
Et sur un ton des plus menaçants, Manuel Valls a lancé : “Si l’Europe n’assume pas ses responsabilités, alors c’est tout le système Schengen (la libre circulation au sein de l’UE) qui sera remis en cause.” Si la mort d’Abdelhamid Abaaoud a constitué un soulagement pour certains, sa présence à Paris, où il a coordonné en toute quiétude les attentats du 13 novembre dernier, comme le confirme l’enregistrement d’une caméra du métro de Montreuil ce jour-là à 22h14, est source d’inquiétudes pour les responsables européens.
Il faut croire que les frontières européennes sont de véritables passoires, y compris celles faisant partie de l’espace Schengen.
“Il faut l’admettre, Schengen est une passoire”, a affirmé un ancien haut responsable de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure). Argumentant sa déclaration, il a ajouté : “Ce gars, avec un CV et des antécédents pareils, où qu’il soit entré dans Schengen, cela aurait dû provoquer un drapeau rouge.
Qu’un client pareil puisse se balader comme ça sans que personne s’en aperçoive, ça montre qu’on a un problème, un gros…” Conséquence : c’est l’alerte générale au sein de l’UE, d’où la tenue d’un Conseil extraordinaire, hier à Bruxelles, pour y remédier. La première mesure prise est de renforcer “immédiatement” les contrôles aux frontières extérieures de l’Union, y compris pour les ressortissants européens, lors d’une réunion extraordinaire.
Il a été également demandé une révision rapide des règles de l’espace Schengen pour qu’elles permettent de réaliser des “contrôles systématiques sur des ressortissants européens”, alors que les contrôles approfondis systématiques aux frontières extérieures sont aujourd’hui réservés à ceux des États tiers.
Par ailleurs, les États membres de l’UE “s’engagent à mettre en place immédiatement les nécessaires contrôles systématiques et coordonnés aux frontières extérieures, y compris sur des individus jouissant de la liberté de circulation”. En outre, les ministres européens ont ainsi décidé de faire pression sur la Commission européenne pour qu’elle “propose une révision ciblée du Code Schengen”.
Cette révision aura pour objectif d’aboutir à “des contrôles systématiques sur des citoyens européens, incluant des vérifications d’information biométrique”. Ceci étant, ces mesures ne semblent pas convaincre policiers et experts européens, qui estiment que le renforcement des contrôles aux frontières Schengen n’empêchera jamais un criminel astucieux de se déplacer à sa guise et de monter des opérations.
Selon un haut responsable de l’antiterrorisme en France, il est relativement simple de se déplacer en restant en permanence sous le radar des forces de l’ordre, en prenant quelques précautions, comme éviter de prendre l’avion, brouiller les pistes en multipliant les détours, choisir avec soin des points d’entrée mal surveillés, utiliser des faux documents de qualité ou, mieux, des passeports authentiques.