Les retournements de vestes, les « virages » de cutti, les reniements sont malheureusement des comportements consubstantiels à l’exercice de la politique. C’est aussi vieux que la politique elle-même.
Dans son monumental et intemporel livre « Le prince », Nicolas Machiavel en fait une description pointue, allant jusqu’à établir une espèce de galerie des portraits des hommes qui pratiquent ce sport. Mais dans sa typologie, le penseur florentin du 16ème siècle a visiblement oublié une espèce qui a échappé à sa sagacité : celle à laquelle appartient Amar Ghoul.
Peut- être qu’au seizième siècle, le cynisme et l’indécence politique s’imposaient encore quelques limites qu’Amar Ghoul a allègrement franchies lundi soir en faisant, sur le plateau d’Ennahar TV, une démonstration magistrale de l’art du reniement. C’est une prouesse à la Messi de ce ministre qui, il y a à peine quelques semaines, se vantait de faire d’interminables parties de foot avec Toufik. Mais à écouter déblatérer Ghoul, lundi soir, c’est à peine s’il n’a pas dit « Toufik, moi, connais pas ! » C’est à croire qu’il veut prendre les algériens pour des canards sauvages en reniant ses accointances avec le général déchu.
Mais tout le monde sait, notamment le microcosme politico-médiatique d’Alger que l’actuel ministre du tourisme doit son existence politique au DRS depuis qu’il a mis le pied à l’étrier en tant que député du MSP de Ain Defla. Son parti, TAJ, est un pur produit des laboratoires de Ben Aknoun, créé au pied levé pour suppléer à la défection du MSP qui venait de rompre le contrat de concubinage qui le liait au pouvoir.
Par quel miracle, sinon la main invisible du DRS, un parti créé de toutes pièces aurait-il pu obtenir pas moins de quinze sièges de députés dans la capitale, un fief des grandes formations historiques. Quel crime d’ingratitude d’Amar Ghoul à l’égard du général Toufik qu’il couvrait, il n’ya pas encore si longtemps déloges dithyrambiques ! Moudjahid, patriote, homme affable, homme modeste, homme pieux … Autant de titres décernés par Ghoul à son parrain qui, dans sa niaiserie politique, tentait même de faire croire qu’entre le DRS et la présidence de la République, c’était le parfait amour, tout le monde aimait tout le monde, un peu comme dans « la petite maison dans la prairie ».
Mais que s’est-il passé pour que Ghoul en arrive à admettre à peine du bout des lèvres avoir eu « quelques », rencontres sans plus avec le général Toufik ? Pour le ministre de l’autoroute Est/Ouest, il en va du DRS comme du cholestérol, il y a le bon et le mauvais. Implicitement, il suggère que Toufik était du mauvais côté de la table. S’agissant du scandale de l’autoroute Est/Ouest, génétiquement liée à sa gestion calamiteuse, avec ses surcoûts, ses malfaçons, ses retards, c’est, à l’en croire, une pure invention du mauvais DRS, juste pour nuire à l’image du président Bouteflika.
Que les choses soient claires : il n’est pas question dans ce propos de défendre le DRS, encore moins son ex patron. L’une des meilleures œuvres du président Bouteflika est que l’histoire portera à son crédit, c’est d’avoir mis fin à cette pieuvre aux mille têtes. S’agissant d’Amar Saâdani, il faut saluer son courage de s’être coltiné au chef du DRS quand ce dernier était encore au faîte de sa puissance. C’est tout à son honneur d’avoir défié son adversaire pendant qu’il était encore debout. C’est cela l’esprit chevaleresque. On ne tire pas sur une ambulance, ya Si El Ghoul ! Cela s’appelle de la couardise. C’est un coup de pied de l’âne. Enfin , ceux qui sont au fait des mœurs politiques du système, il savent exactement pourquoi Amar Ghoul se livre à cette vulgaire danse du ventre. Reste à savoir s’il a vraiment séduit.