Et si je rentre un jour dans la tête de Amar Saâdani, que puis-je trouver de bon et de beau pour cette Algérie qui stagne? Je n’en sais rien mais cette question me taraude l’esprit depuis toujours. Bref, ce n’est pas une blague à l’emporte-pièce ou un poisson d’avril que je vais vous glisser dans ce billet! Non! C’est un rêve. Un vrai.
Je l’ai croisé hier en dormant. J’y suis entré enfin, ouf! Où? Dans sa tête ! La tête de Saâdani. Ce faisant, j’ai réalisé le plus invraisemblable des fantasmes de ma vie! Fascinant! A l’intérieur, il y a des grands boulevards, des banques, des autoroutes, etc. Et puis, au terminus – puisque j’étais en voiture 4×4 – une usine d’idées, un géant think tank dédié à la bureaucratie de l’import-import.
En revanche, juste au portail, un registre de condoléances est ouvert à l’attention des cadres du défunt D.R.S. L’enseigne au fronton de l’immeuble est on peut plus symbolique : « tahya al-Dzair ! » (vive l’Algérie), suivie tout au long des murs d’une longue liste de projets. Que des projets prometteurs pour cette Algérie « démocratique et populaire » au riche ventre troué de partout : Des comités de supervision des programmes présidentiels composés d’une smala de thuriféraires avec pour principale mission la négociation du sort du film « La bataille d’Alger » de Gillo Pontecrovo. Des tribunaux gérés par des juges qui se proclament « petits » dès lors qu’une grosse cylindrée « corrompue » se pointe devant leur nez. Des plans organisés de faillites de l’A.N.S.E.J qui se célèbrent à coups de verres de whisky au ministère des travaux publics. Une maquette d’Alger capitale de la culture arabe sous forme de derbouka qui sera envoyée dans chaque daira. Aussi, un portrait-souvenir dans chaque commune de la fratrie tlémcenienne se pavanant dans les halls d’Al-Mouradia.
Un palais désormais reconstruit en un Etat civil virtuel dont les bureaux sont reliés par le téléphone arabe, promotion publicitaire des rumeurs et des coups de force oblige. Des élites qui s’étripent pour rien par devoir national « une rare espèce de tubes digestifs qui savent à peine articuler les lettres de l’alphabet ». Un ministère des affaires religieuses installé tout juste près de l’ascenseur du Dr Saâdane pour punir illico presto tout cadre ponctuel qui bosse avec sérieux et honnêteté pour le bien de la patrie. Un baromètre sophistiqué d’anti-courage à la place Audin, destiné au filtrage de tous les journalistes qui écrivent des articles critiques sur les dirigeants. Sur ordre de Saâdani également, le désert sera un Disneyland où les commissions feront office de monnaie de poche obligatoire pour la piétaille de la nomenclature, le palais du gouvernement sera un lieu de rencontre entre faux importateurs venus du Port-Said, conviés à la tripartite. Ceux-ci devront faire une dictée solennelle à la présidence, Sidi Said et le partronat. La constitution sera abrogée car des coutumes protocolaires calquées sur le modèle des « chouyoukhs » du Moyen-Orient y suffiront. Enfin, le port des baskets made in China achetés du marché informel s’imposera à tous les fonctionnaires de l’Etat!
Au sortir du think tank algérien, je me suis égaré dans un labyrinthe sans aspérités se longeant en corridors, grandes surfaces, boutiques de modes, restaurants chics, etc. Un labyrinthe au milieu duquel se trouve une mosquée à côté d’un bel appartement parisien d’où l’on sort avec un costard trois pièces qui change rapidement en djellaba : pendentif, chapelet et tongs comme accessoires. Question d’aller faire la prière pour les hassanates ! Pas de trace d’une université toutefois ni d’une bibliothèque. Seulement à quelques encablures de là une disco à l’américaine avec Johnny Hallyday comme invité de marque.