«L’Espagne est un cas d’école en termes de freins à l’entrée» sur son territoire, a assuré l’auteure du rapport, Virginia Alvarez, évoquant des «frontières fermées» par l’action conjuguée des forces de sécurité espagnoles et marocaines.
Amnesty International (AI) a dénoncé hier le non-respect par l’Espagne du droit d’asile dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla au Maroc, «des territoires sans droits pour les migrants et réfugiés» selon l’ONG. Sollicité par l’AFP, le ministère espagnol de l’Intérieur n’a pas commenté ce rapport.
Violences policières, refoulement de demandeurs d’asile potentiels, mauvaises conditions de séjour, protection défaillante des plus vulnérables (femmes battues, personnes homosexuelles, handicapés)… L’organisation de défense des droits de l’homme a recensé huit types de violations de droits des migrants dans ces enclaves, seules frontières terrestres entre l’Europe et l’Afrique.
«Les difficultés d’accès, les expulsions sommaires et les violences policières (…) rendent presque infranchissable cette frontière pour les Réfugiés», dénonce l’ONG dans un rapport, après avoir mené une cinquantaine d’entretiens sur place en octobre.
«L’Espagne est un cas d’école en termes de freins à l’entrée» sur son territoire, a assuré, cité par l’AFP, l’auteure du rapport, Virginia Alvarez, évoquant des «frontières fermées» par l’action conjuguées des forces de sécurité espagnoles et marocaines. A Melilla, les migrants sont face à une double barrière grillagée de six mètres, qu’ils tentent d’escalader, y restant parfois perchés pendant des heures.
Certains pourraient se présenter à la frontière et demander l’asile: c’est ce que prévoit le droit international pour les personnes dont la vie est en danger dans leur pays, comme les Syriens. Mais même pour eux, c’est un parcours d’obstacles: «La police marocaine ne les laisse pas passer», affirme Virginia Alvarez.
Ils se retrouvent à la merci des passeurs qui procurent des faux papiers et autres moyens de passage. Les familles se dispersent pour être plus discrètes. A Ceuta, il n’y a tout simplement pas de poste ouvert pour présenter une demande d’asile, selon l’ONG.
Dans ses recommandations, Amnesty souhaite que l’Espagne «suspende la coopération avec le Maroc en matière de contrôle migratoire», en dénonçant les mauvais traitements infligés par les forces de l’ordre des deux pays. «Il existe des vidéos où l’on voit comment la police marocaine frappe (les migrants) en territoire espagnol, les fait tomber et les expulse», affirme l’ONG, selon laquelle des agents espagnols font mine de ne rien voir.
Selon l’enquête d’AI, les «refoulements à chaud» – soit le fait de renvoyer des migrants déjà parvenus sur la frontière sans leur laisser la possibilité de demander l’asile – se poursuivent». En 2015, 14.600 personnes ont demandé l’asile en Espagne dont 5720 Syriens, selon des données du défenseur du peuple.
En moyenne 31% des demandes ont été acceptées, contre 48% au niveau européen. Par ailleurs les demandeurs d’asile ne peuvent pas toujours circuler librement en Espagne le temps que l’administration se prononce sur leur cas, même si normalement la loi les y autorise. Ils restent dans l’attente à Ceuta et Melilla.
Du coup, certains n’osent plus demander l’asile. Les plus vulnérables, comme les handicapés ou les victimes de traite ne sont pas bien traités, assure aussi l’ONG, qui cite notamment le cas d’un Algérien de 35 ans tétraplégique, retenu à Ceuta depuis le mois d’août.