La première moitié de juin 2021 a vu la publication de la loi de finances complémentaire (LFC) pour 2021 (8 juin 2021) et une note de synthèse portant performances macro financières à mi-parcours de l’économie algérienne. Vu l’assèchement inexpliqué et inexplicable des sources primaires des données macroéconomiques de base, ces deux documents offrent un certain nombre de statistiques qui permettent de situer en tant soit peu la direction prise par l’économie algérienne en 2020 et au cours des cinq premiers mois de 2021.
Les deux documents indiquent que l’évolution de l’économie en 2021 semble s’inscrire dans une certaine trajectoire de reprise sans pour autant préciser exactement les origines de cette dernière. Un signal encourageant vu la récession dans laquelle les chocs sanitaire et pétrolier de mars de l’année dernière ont plongé l’économie algérienne en 2020, économie déjà fragilisée par la mauvaise gestion du choc pétrolier de 2014.
Nonobstant l’éclaircie annoncée dans la note-bilan, le chemin de sortie de crise reste semé de défis colossaux. La LFC 2021 ayant fait l’objet d’une analyse détaillée dans une précédente livraison, cet article va donc se focaliser essentiellement sur l’analyse macro financière contenue dans la note-bilan de mi-parcours datée du 9 juin. A cet effet, après avoir pris note des principaux messages contenus dans cette dernière, l’article va offrir quelques réflexions macroéconomiques sur les facteurs externes et internes qui sont de nature à mesurer les enjeux économiques du pays et renforcer la qualité des politiques publiques dans le futur.
Les grandes lignes de la note du 9 juin 2021 portant bilan à mi-parcours de l’economie algérienne
Prenant acte de la reprise mondiale facilitée par le recul de la pandémie de la covid-19 (du fait des campagnes de vaccination) et « des perspectives favorables offertes aux économies développées et émergentes », la note-bilan présente un bilan positif d’une économie nationale en rebond sans pour autant préciser les facteurs explicatifs de ce dernier (la hausse des prix du pétrole est, inter alia, sous-entendue). Dans ce contexte, cette note contient :
(1) des indicateurs avec des horizons temporels différents, notamment : (i) 3 indicateurs à fin mai 2021 (importations, exportations et balance commerciale) ; (ii) un indicateur à fin avril 2021 (recouvrements fiscaux) ; et (ii) des projections annuelles (croissance globale, pétrolière, non pétrolière et inflation) ;
(2) un rappel des dispositifs mis en place en 2020 pour protéger, en réaction au choc sanitaire, la santé publique, les revenus des travailleurs et des populations vulnérables ainsi que les entreprises économiques et commerciales ; et
(3) un autre rappel de la volonté des autorités de poursuivre la stratégie du Président en matière de reprise du contrôle des finances publiques.
Les grandes lignes de la LFC 2021.
Elles sont les suivantes :
(1) Des hypothèses de travail globalement inchangées: la LFC 2021 maintient les hypothèses à la base de la LFI 2021 (y compris une dépréciation du dinar vis-à-vis du dollar de 12%), à l’exception du taux de croissance qui passe de 3,98% à 4,1%. Cette croissance sera tirée par les investissements publics ;
(2) Des mesures législatives sans grande portée: au nombre de 37, elles couvrent la politique fiscale (17), l’administration fiscale et douanière (7) et les avantages fiscaux (13) ;
(3) Un budget révisé de court terme avec des :
- (i) recettes totales: (5331,8 milliards de DA) soit une augmentation de 3,6 milliards de DA par rapport au niveau inscrit dans la LFI, résultat net d’une chute des recettes fiscales (- 4,2 milliards de DA) et d’une hausse des recettes pétrolières (+7,8 milliards de DA) en raison d’une augmentation des volumes et des prix à l’exportation ;
- (ii) depenses courantes : (5664,5 milliards de DA) soit une hausse de 350 milliards destinées à appuyer la santé (79,25 milliards de DA), l’éducation (paiements de rappels pour 50 milliards de DA) et les ménages (50 milliards de DA en compensation d’une réforme des subventions), prendre en charge les subventions d’eau, du lait et du blé (89 milliards de DA) et financer les élections législatives et locales (30 milliards de DA) ;
- (iii) depenses en capital : (2978,2 milliards de DA), soit une augmentation de 179,7 milliards de DA au bénéfice des secteurs de l’éducation, de l’eau, des infrastructures de base et du développement régional ;
- (iv) un déficit global du Trésor (4140 milliards de DA), soit un creusement complémentaire de 2,4 points de pourcentage pour passer de 17,6 % du PIB (LFI 2021) à 20 % du PIB. Avec des ressources propres limitées, le gap de financement est de 3954 milliards de DA. Le recours à la planche à billets sera donc inéluctable. Un déficit colossal et en perspective un alourdissement de la dette intérieure et une montée de l’inflation, couts de la prise en charge de la pandémie.
Les points forts de la LFC2021
Incluent :
(1) l’accroissement des subventions aux produits stratégiques (lait, eau, blé dont les prix ont augmenté sur le marché international en raison de l’émergence d’un super cycle des produits de base agricoles) pour protéger les ménages les plus vulnérables;
(2) l’augmentation des dépenses vitales : au titre du fonctionnement (1,7% du PIB) pour soutenir les ménages en difficulté et au titre des dépenses en capital (0,73 % du PIB) dans les secteurs prioritaires sociaux et économiques pour soutenir l’activité économique. Ces dépenses sont donc vitales en période de pandémie et de récession et permettront de protéger le tissu social et d’éviter des dommages à long terme à l’économie et aux populations vulnérables;
(3) un stimulus fiscal plus important : dont le montant est de 314 milliards de DA (1,5 % du PIB ou $26 milliards) par rapport à celui inclus dans la LFC 2020 (70 milliards de DA soit 0,4 % du PIB ou $5 milliards). Avec des multiplicateurs sur 12 mois de 0,6 pour les dépenses courantes et 0,3 % pour les dépenses d’investissement, cela devrait générer des dépenses complémentaires de 1,3 milliards de DA. Un premier pas dans la bonne direction mais insuffisant vu les marges de manœuvre existantes en termes de croissance (écart de $205 milliards entre le PIB actuel de $146 milliards en 2020 et un PIB potentiel d’environ $350 milliards) et d’emploi (environ 2 millions de chômeurs à fin 2020 ainsi que les nouveaux flux de demandeurs d’emploi en 2021 soit environ 200,000).
Les points faibles de la LFC2021
Portent sur :
(1) l’absence d’infra données économiques (aucun bilan ne serait ce que pour le 1er trimestre de 2021), ce qui rend difficile l’analyse des projections de croissance ;
(2) une architecture qui ne distingue pas clairement les lignes de démarcation entre les 3 piliers : soutien à la population, relance économique et modernisation de l’économie ;
(3) le recours continuel aux avantages fiscaux ;
(4) l’inclusion d’enveloppes budgétaires pour compenser des ménages qui seraient affectés par une réforme des subventions qui n’est pas articulée ;
(5) l’absence d’une amorce de rationalisation des finances publiques du côté des recettes (excluant la politiques fiscale) et des dépenses en prévision de la LFI 2022, dernière opportunité pour le pays de piloter lui-même ses propres réformes et de jeter les bases d’un retour à la viabilite à moyen terme du budget suivant son propre timing.
Réflexions sur l’environnement extérieur qui a un impact sur l’économie algérienne.
Focalisons-nous sur la reprise mondiale, la résurgence de l’inflation mondiale et les développements et perspectives des marchés du pétrole et du gaz. Trois variables-clés à intégrer dans la feuille de route de l’économie algérienne au cours des mois prochains.
- Le contexte mondial : L’économie mondiale connaît une reprise vigoureuse mais divergente :
- (i) 94 % des pays à revenu élevé retrouveront leur produit intérieur brut par habitant d’avant la récession d’ici deux ans (2023). Ce serait un rebond significatif jamais constaté depuis la seconde guerre mondiale. Les facteurs à la base de la forte reprise sont les succès des programmes de vaccination et l’ampleur des dispositifs fiscaux et monétaires mis en place après la pandémie en mars 2020. Ainsi, l’assouplissement quantitatif a représenté en moyenne 15 % du PIB tandis que le soutien budgétaire s’est élevé en moyenne à 17 % du PIB;
- (ii) A contrario, le rattrapage au niveau des pays émergents et en développement n’atteindra que 40%. Ce serait alors le rebond post récession le plus faible depuis l’après-guerre du fait de campagnes lentes de vaccination, d’un assouplissement quantitatif de seulement 3 % du PIB et d’un appui budgétaire n’ayant pas dépassé 5 % du PIB ;
- (iii) La moitié des pays à faible revenu sont désormais surendettés ; et
- (iv) La pandémie a non seulement annulé les gains de réduction de la pauvreté mondiale pour la première fois depuis une génération, mais a également aggravé les défis de l’insécurité alimentaire et de la hausse des prix des denrées alimentaires pour des millions de personnes. In fine, si les moteurs de la croissance se sont réchauffés au niveau des pays avancés, ils demeurent froids du côté des pays en voie de développement et émergents. Une reprise à deux vitesses qu’une redynamisation de la vaccination dans le monde permettrait de contrer en partie.
- La remontée de l’inflation au niveau mondial : La remontée de la demande a induit une forte consommation publique et privée et en conséquence une reprise de l’investissement des entreprises et des exportations manufacturières. L’offre a réagi mais insuffisamment vu la perturbation continue des chaines de valeur mondiales et les problèmes de transport transnationaux, sources de sérieux goulots d’étranglement généralisés et de problèmes d’inventaire. Simultanément les employeurs rencontrent des difficultés à recruter et pourvoir une masse importante de postes de travail. Certaines de ces tendances sont temporaires et devraient bientôt s’inverser. D’autres ne le sont pas, ce qui renforce la probabilité que les tensions sur le marché du travail vont se traduire par des augmentations notables des salaires et in fine une hausse des prix. La question se pose quant à la pérennité de cette spirale et la probabilité pour les autorités publiques de démanteler les dispositifs de soutien budgétaire et monétaire en place en 2020 pour combattre l’impact de la pandémie. Le timing est crucial car un statu quo peut entretenir une inflation encore plus forte. A contrario, un resserrement prématuré de la politique monétaire peut casser la reprise. Des développements à suivre avec beaucoup d’attention car ils auront des répercussions sur l’economie du pays.
- La dynamique du marché pétrolier. Les prix du Brent se sont envolés récemment en raison d’une baisse continue des stocks mondiaux de pétrole, bien qu’à un rythme plus lent qu’au cours des quatre premiers mois de l’année 2021. Au cours des prochains mois, il est prévu une hausse de la production mondiale de pétrole, notamment de la part des pays de l’OPEP+ pour satisfaire une consommation mondiale de pétrole en hausse. Ceci mettra fin aux prélèvements persistants sur les stocks mondiaux de pétrole qui se sont produits pendant une grande partie de l’année dernière et conduira à des marchés mondiaux du pétrole relativement équilibrés au second semestre 2021. Les prix du Brent devraient de ce fait se stabiliser autour d’une moyenne de $68 le baril. Pour 2022, trois facteurs devraient contribuer à la baisse des prix du pétrole autour de $60 le baril, notamment : (1) la croissance continue de la production de l’OPEP+ ; (2) l’accélération de la croissance de la production de pétrole de réservoirs étanches aux Etats-Unis ; et (3) et la décélération de la croissance de la consommation mondiale de pétrole.
- Le marché du gaz naturel. Le prix du gaz naturel devrait se situer en moyenne à $2,91 par million d’unités thermiques britanniques (MMBtu) en 2021. Pour 2022, il devrait enregistrer une légère hausse à $2,93 $/MMBtu.
Réflexions sur le pilotage macroéconomique en Algérie.
La lecture simultanée de la note-bilan du 9 juin 2021 et de la LFI 2021 soulève les points de substance suivants qui ont un impact sur le rebond économique de l’Algérie, à savoir :
- Le problème fondamental de disponibilité de données macroéconomiques de base. Trois points à traiter :
(i) la lisibilité des données macroéconomiques est importante. En incluant un nombre très limité d’indicateurs macroéconomiques avec des horizons temporels différents, le bilan à mi-parcours n’est pas lisible. La non inclusion des indicateurs réels qui sont les plus importants (croissance et inflation) et des indicateurs budgétaires complémentaires cruciaux pour juger de la tendance de la politique budgétaire (dépenses courantes et en capital et déficit budgétaire global) et monétaires (crédit à l’état et masse monétaire) ne permet pas du tout de se faire une appréciation cohérente de la performance de l’économie algérienne au cours des 5 premiers mois. Des prévisions partielles pour le reste de l’année (croissance et inflation uniquement) ne renseignent pas non plus sur la performance prévisionnelle de l’économie algérienne à fin décembre 2021. Cet aspect est donc important ;
(ii) Une batterie d’indicateurs macroéconomiques sur la période de base est cruciale pour comprendre les trajectoires. Si les données à fin mai ne sont pas disponibles en raison des lags de disponibilité (ce qui est compréhensible au cours des premiers jours de juin), il aurait été plus judicieux de présenter un panorama macroéconomique à fin avril 2021. Ceci aurait permis de prendre acte des progrès accomplis et de recalibrer, si besoin est, la trajectoire de l’économie algérienne pour le reste de 2021. Ce problème a été déjà observé au moment de la préparation de la LFC2021. Le rapport de présentation de cette dernière- en tout cas la version qui a circulé- ne contient aucune situation macro financière à fin mars 2021. Un point de départ crucial pour réactualiser le cadrage macroéconomique à moyen terme qui sert de base à la confection d’une LFC ; et
(iii) une transparence économique vitale pour forger une appropriation des réformes: Cette question des données est préoccupante quand il est constaté que les sites de certaines administrations officielles qui sont les sources primaires (donc incontournables) des indicateurs relatifs à l’activité réelle et à l’indice des prix à la consommation (ONS), une simple situation résumée des opérations de trésorerie (DGT) et une synthèse du tableau des opérations financières de l’état (DGB), des opérations de commerce extérieur (DGD) et des comptes monétaires et de la politique de change (Banque d’Algérie) ont stoppé purement et simplement de publier des données de base. Ce manque de transparence ne se justifie pas et ne fera que compliquer la gestion de la crise et le pilotage de l’économie. En outre, elle ne peut créer que la confusion auprès des citoyens et compliquer le processus vital d’appropriation des réformes à venir. Ces reformes peuvent être repoussées mais elles sont incontournables et se feront à un prix plus élevé sur les plans politique, économique et social. - En corollaire, cela pose la question de la qualité des politiques publiques et la fiabilité de l’évaluation des performances macro financières. Pour tous les pays à travers le monde, au début de l’exercice de programmation financière (qui vise à mettre en place un cadrage macroéconomique à moyen terme destiné à appuyer le pilotage de l’économie), il y a la détermination d’objectifs réalistes en termes de croissance et d’inflation autour desquels sont construits des politique cohérentes, adéquates et réalistes sur les plans macroéconomique, structurel et sectoriel. Tout l’exercice est donc ancré sur la disponibilité des données (la matière première) les plus récentes pour servir de base aux projections et/ou la réactualisation de ces dernières si nous sommes en milieu d’exercice. Le taux de croissance et l’inflation sont les variables-clés qui offrent le socle des politiques publiques, notamment de la couverture de l’écart de financement qui a un impact sur la politique d’endettement public du pays. Des données de départ fiables et des rapports périodiques renforcent la qualité des politiques publiques et leur bonne exécution.
- Le problème des moteurs de la croissance en 2021 et sur le moyen terme: La note de mi-parcours, reprenant la LFC 2021 cible un taux de croissance plus élevé de 4,2 % en 2021 (contre 3,98% dans la LFI 2021 et un recul de 6 % en 2020). Le secteur des hydrocarbures devrait croître de 10,1 % en 2021 (contre 7,2 % dans la LFI 2021), tandis que le secteur hors pétrole atteindrait une croissance de 3,2 % (contre 2,4 % dans la LFI 2021). La note -bilan annonce une reprise dans les secteurs de la construction (3,8 %) et des services marchands. Dans ce contexte de pandémie, et comme cela se voit au niveau des pays avancés, une reprise en V s’explique par plusieurs facteurs, y compris le niveau de faiblesse de la base de projection, un programme solide de vaccination, la vigueur des mesures immédiates visant à atténuer les impacts néfastes de la pandémie et des politiques publiques en appui de la croissance à moyen terme. Le rebond projeté dans la LFC 2021 est donc de 10,2 points de pourcentage du PIB et s’appuie en grande partie sur une remontée du pétrole. En effet, ce dernier vient à nouveau offrir un petit ballon d’oxygène temporaire puisqu’il est passé de $54,77 le baril en janvier 2021 à $68,53 le baril à fin mai 2021 (25 % de hausse). Ce faisant, cela a permis de booster le niveau des recettes fiscales pétrolières d’environ 650 milliards de DA, ajouter 1- 1,5 points de croissance, augmenter les exportations de $ 5-6 milliards et améliorer les réserves internationales de change d’autant. Ces dernières devraient atteindre éventuellement $41 milliards à fin 2021. Ce répit doit permettre de faire jouer un effets de levier sur la croissance économique future à d’autres facteurs non moins importants, à savoir : (i) la redynamisation de la vaccination (présentement le nombre de personnes vaccinées s’établit à 2 millions environ pour une population adulte de 30 millions de personnes, soit un taux de vaccination de 6,9%) ; (ii) le renforcement de l’exécution des mesures de soutien contenues dans la LFC 2021 (1,6 % du PIB avec un meilleur ciblage et une accélération des dépenses) pour appuyer la demande privée et relancer les investissements; (iii) le renforcement de la capacité en termes d’offre (qui a été amputée d’au moins 30 à 50 % pour ce qui est du secteur privé) ; (iv) l’amélioration de l’efficacité de la politique monétaire (en agissant sur le canal de transmission et favorise la profondeur financière) ; (v) l’amélioration de la qualité de la dépense en capital ; et (vi) la prise de mesures pour atténuer les tensions au niveau mondial sur les inputs en matière de construction. Ce sont ces facteurs qui vont appuyer la croissance en 2022 et sur le moyen terme.
4.La quantification de l’effet de rattrapage : n’a de portée sur le plan du pilotage de l’économie que si les infra -indicateurs pour 2021 sont comparés à ceux de la même période en 2019, l’année précédant la pandémie. Ceci permet de véritablement mesurer le chemin parcouru, évaluer l’écart, identifier les efforts à accomplir et surtout procéder au recalibrage des politiques publiques pour revenir au minimum à la situation prépandémique. Sinon la dépasser pour protéger les niveaux de vie des populations.
- Dans ce contexte, il ne faut pas perdre de vue les défis posés par les déséquilibres des finances publiques et des comptes extérieurs du pays.
(1) le déficit chronique et grandissant du budget (20 % du PIB dans la LFC 2021). Ce dernier est le résultat :
- (i) de la non viabilité des finances publiques compte tenu de la durée de vie des ressources pétrolières et du besoin de réduction du déficit budgétaire ;
- (ii) de la faiblesse des recettes fiscales ;
- (iii) du poids de certaines dépenses courantes ;
- (iv) de l’inefficience des depenses en capital ; et
- (v) de la structure inadéquate de financement du déficit budgétaire. Une masse de contraintes structurelles que l’embellie du prix du pétrole n’effacerait pas. La réforme des finances publiques doit se poursuivre et être accélérée ; et
(2) le déficit chronique du compte courant de la balance des paiements. Il n’est pas dû à la volatilité des prix du pétrole – encore que ceux-ci ont des effets temporaires positifs et/ou négatifs- ni aux taux de droits de douane mais à la faiblesse de l’épargne domestique par rapport aux besoins en investissements du pays. Cet écart est de 15,1 % en 2020 et devrait chuter à 11,7 % en 2021 (pour un écart normatif de 5%). Ces déséquilibres ne seront ramenés à des niveaux soutenables qu’au prix de réformes vigoureuses à moyen terme.
Réformons dès maintenant et de façon progressive vu le contexte social et politique difficile
Le rebond du prix du pétrole a des effets mécaniques sur les agrégats macroéconomiques vu la place prépondérante qu’il joue dans l’économie algérienne. Même s’il élargit un tant soit peu l’espace budgétaire à court terme, il ne pourra redonner le souffle nécessaire à l’economie nationale qui a besoin d’être reconstruite sur un autre paradigme -celui de la diversification économique autour d’une stratégie de décarbonisation à long terme. En conséquence, et comme je l’ai déjà écrit à de nombreuse reprises, les grands volets d’une réforme globale cohérente avec une stratégie à long terme de refondation de l’économie nationale sont les suivants :
- (1) des politiques publiques appropriées et cohérentes sur le moyen terme (déjà décrites dans des livraisons précédentes);
- (2) la mise en place d’un édifice institutionnel pour la conception d’une politique économique globale et cohérente et le suivi rigoureux des développements macroéconomiques ;
- (3) une meilleure gouvernance économique;
- (4) une politique de communication avec des messages simples couvrant toutes les questions essentielles ; et
- (5) le renforcement de la transparence économique et financière en publiant des données de base et des rapports d’étapes régulièrement. En période de crise plus particulièrement, plus la population est informée plus elle comprend les défis et mieux elle participe à leur solution. Un programme incontournable.
Par Dr. Abdelrahmi Bessaha – senior economist · International Monetary Fund