Déçue par ses alliés libéraux, la chancelière serait prête à saborder sa coalition pour sauver son propre pouvoir.
La coalition noir-jaune (CDU-FDP) n’a aucune chance de se maintenir à la tête du Schleswig-Holstein, à l’issue des élections régionales prévues dans ce Land le 6 mai. En Rhénanie-du-Nord-Westphalie (NRW), le Land le plus peuplé d’Allemagne, où une autre défaite se profile pour Merkel le 13 mai, le FDP pourrait ne pas atteindre la barre des 5 % pour siéger au Landtag. Depuis deux ans, les libéraux ont été balayés de la carte politique régionale allemande, enchaînant les revers électoraux à chaque nouveau scrutin. Sur le plan national, cela fait des mois que les sondages n’accordent pas la moindre chance à la coalition de centre droit de la chancelière d’être reconduite à l’issue des législatives de septembre 2013. Pis, le score du FDP pourrait lui interdire de siéger au Bundestag.
La chancelière reste cependant la personnalité politique la plus populaire en Allemagne. Et de loin. Son parti, la CDU, arriverait largement en tête si des élections avaient lieu demain. Et le succès des Pirates empêcherait l’opposition de capitaliser sur la déconfiture du FDP. Connue pour son sens tactique et pour son absence d’états d’âme en politique, Merkel serait donc prête à «tirer la prise au FDP», affirme Bild. Elle sauverait ainsi son propre pouvoir en se maintenant à la tête d’une grande coalition associant conservateurs et sociaux-démocrates du SPD. «La chancelière voit son avenir au sein d’une grande coalition. Elle pourrait l’avoir rapidement», s’inquiète un haut dirigeant du parti libéral cité par Bild.«Si Merkel trouve le courage de se lancer, c’est le moment idéal», confirme un ténor du SPD cité par le journal, qui contribue souvent à fixer l’agenda politique.
Une dynamique venue de France
«La coalition tiendra jusqu’au bout de la législature», affirme Peter Altmaier, chef de la CDU au Bundestag et fidèle lieutenant de la chancelière. Mais les démentis officiels n’ont pas dissipé la rumeur. Plusieurs journaux allemands estiment que Merkel ne commettra pas l’erreur de son prédécesseur,Gerhard Schröder, qui avait provoqué lui-même des élections législatives anticipées à l’issue de sa défaite en NRW en 2005. Elle pourrait utiliser l’un des nombreux sujets de contentieux avec le FDP, notamment sur l’introduction d’une taxe sur les transactions financières, à laquelle s’opposent farouchement les libéraux. En présentant un texte de loi portant sur ce sujet au Bundestag, elle pourrait constater qu’elle n’est plus en état de rassembler sa majorité propre et réclamer des élections anticipées au président Joachim Gauck.
Dès le début, son «mariage de rêve»avec les libéraux avait viré au cauchemar, sans cesse empoisonné par les sujets de discorde, notamment sur sa gestion de la crise de l’euro. Son «union forcée» avec le SPD avait au contraire plutôt bien réussi à cette conservatrice modérée. Redoutant qu’une éventuelle victoire des socialistes français crée une dynamique favorable aux sociaux-démocrates, Merkel pourrait prendre les devants… pour rester aux manettes de la cohabitation des deux côtés du Rhin.