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La mosquée millénaire de Abou Marouane, un des plus vieux monuments de la wilaya d’Annaba, vient de rouvrir ses portes aux fidèles après sept ans pour restauration et réhabilitation. Ce qui devait être une excellente nouvelle a laissé un arrière-goût amer aux fidèles et à l’imam de la mosquée.
Les travaux pour lesquels l’Etat a dépensé sans compter n’étaient au final qu’un vulgaire rafistolage qui trahit l’histoire et la symbolique de cet édifice millénaire. Avant de franchir le seuil de la mosquée Abou Merouane, on s’attend à faire un saut dans le passé, s’imaginant trouver des piliers ancestraux en marbre gravé à la main, ou encore traverser une cour au milieu de laquelle se dresse un puits et des murs en pierre taillée ; il n’en est rien. En réalité, l’intérieur des logements sociaux de Draâ Errich, pleines de malfaçons, n’ont rien à envier à cette mosquée qui incarne près de 986 ans d’histoire. La réhabilitation d’un édifice consiste à rendre à celui-ci son aspect originel avec le souci du détail et le respect de l’architecture.
En vérité, les travaux réalisés pendant les sept dernières années n’étaient qu’un simple rafistolage que le maître d’ouvrage tente de faire passer pour un immense travail de réhabilitation. Au bout de sept ans de travaux et des milliards dépensés, la seule chose qui a changé dans la mosquée Abou Merouane est qu’elle a hérité d’une couche épaisse de ciment, une peinture et une dalle de sol sortie tout droit d’un dépliant publicitaire pour salles des fêtes. Des années durant et jusqu’au mois dernier, les directions des affaires religieuses et des travaux publics faisaient étalage du «respect» de l’architecture de l’édifice et de la touche artistique des « lustres ». «Un pilier en marbre presque millénaire entouré par une épaisse couche de béton qui laisse transparaître une partie du marbre, comme si l’objet était fossilisé, est-ce cela le respect de l’architecture des lieux ?», se demandait avec indignation un fidèle.
La partie réservée aux femmes ressemble plus à un couloir qu’à une salle de prière, vu l’espace qu’occupe ces «cocons en béton» qui entourent les piliers de la mosquée. Une profonde déception que partagent les fidèles et l’imam de la mosquée. Il aura fallu près de sept ans, avec le concours des citoyens, les directions des travaux publics, des affaires religieuses et plusieurs interventions de la wilaya d’Annaba, pour que les travaux soient menés à terme ; tardivement certes, mais le résultat est, pour le moins «magistral», aux dires des autorités, à la hauteur de l’histoire de ce site qui fait partie intégrante de l’histoire de Annaba et de l’Algérie. Rien qu’au siècle dernier, la mosquée Abou Merouane a accueilli les plus illustres personnalités religieuses du monde islamique, le 26 octobre 1968, pour la célébration de l’an 1000 hégirien.
C’est l’une des quatre plus anciennes mosquées d’Algérie, qui fût construite sous le règne d’El Mouiz Ben Badis El Sanhadji, en l’an 425 de l’Hégire sous la supervision du Cheikh «Abou Elayth El Bouni Eniyari» D’ailleurs la mosquée tient son nom «Abou Merouène El Cherif El Korichi El Andaloussi El Bouni», qui arriva dans la ville d’Annaba dans les années 1087, lequel avait appris la science auprès des savants de Cordoue, de Tlemcen et de Kairouan, et mourut en 1111. Elle est, par la suite, transformée en université des sciences religieuses et humaines. En 1832, l’armée coloniale la transforma en hôpital militaire.
La mosquée abrite le tombeau du cheikh. Toute cette histoire, tous ces évènement, sont à présent et à jamais enfouis sous une couche de béton laid et étouffant, dans lequel près de 2 000 fidèles viendront faire Salat des Tarawih durant ce mois béni et où ils seront les témoins du génie «inversé» des directions de l’urbanisme et des affaires religieuses.