L’Algérie célèbre ce mardi 22 février le troisième anniversaire de la révolution populaire Hirak qui a su, au-delà d’impressionner le monde entier par sa détermination et son pacifisme, mettre fin à un régime qui s’est accroché au pouvoir pendant deux décennies. Trois ans après, quelle lecture peut-on tirer de ce soulèvement ? Que reste-t-il du Hirak ?
Ambitieux d’un changement radical du système de gouvernance, le mouvement déclenché spontanément, (faut-il le rappeler ?), un peu plutôt que cette date, est tout de même parvenu à mettre fin à 20 ans du règne du président déchu, le défunt Abdelaziz Bouteflika. L’élan ne s’était pourtant pas estompé après cela si ce n’était le maudit virus qui est venu ébranler le quotidien du monde entier.
Trois années se sont écoulées de ce mouvement et les choses ont pris une tout autre tournure. Du point de vue des politiques, trois ans après le déclenchement du mouvement, ses principaux objectifs « légitimes » ne sont toujours pas atteints, et ce, malgré « les intentions de bonne volonté déclarées au plus haut niveau de l’État ».
3 ans plus tard, des revendications restées à mi-chemin
Ainsi, le MSP de Makri estime, « à l’occasion du 3e anniversaire du Hirak du 22 février, que plusieurs de ses revendications légitimes en matière de changement radical et global n’ont pas encore été concrétisées ». « Nous appelons le régime politique à honorer ses promesses et de ne pas en reproduire les mêmes causes ».
Pour sa part, Jil Jadid de Soufiane Djilali affirme que « malgré les intentions de bonne volonté déclarées au plus haut niveau de l’État, et à part l’élimination partielle des commanditaires d’une mafiocratie prédatrice et vorace qui s’était imposée à l’État (ce qui est déjà, d’une importance capitale !), le changement qualitatif tant espéré tarde à se manifester concrètement ».
En effet, les Algériens qui sont sortis il y a trois ans, pour empêcher le 5e mandat, ont espéré voir, au bout de leur révolution pacifique, une toute autre Algérie. Trop utopiques ou trop rêveurs, cela leur a été tout de même permis. Or, au vu des circonstances, notamment la crise sanitaire qui en a entrainé plein d’autres, les choses ont fini par prendre une autre tournure.
A priori, et loin d’être satisfaits de la situation actuelle, les citoyens se sont retrouvés devant une conjoncture assez difficile ; un pouvoir d’achat qui ne cesse de dégringoler à vue d’œil, une flambée généralisée des prix de tous les produits alimentaires … à n’en citer que cela pour rester au strict minimum d’une vie décente, la conjoncture est assez tendue.
Situation des libertés et des droits de l’homme : l’inquiétude règne encore
De surcroit, les partis politiques et organisations des droits de l’homme n’arrêtent pas d’alerter sur la situation des libertés, de la pratique politique et des droits de l’homme en général. 3 ans après, et alors que les marches hebdomadaires du Hirak ont cessé depuis mai 2021, les arrestations de militants de ce mouvement s’effectuent encore.
Plusieurs partis et associations qui se sont distingués par leur forte mobilisation durant les marches hebdomadaires du Hirak se sont retrouvés dernièrement dans le collimateur de la justice. Il s’agit à titre d’exemple du RCD, le MDS, dont le coordinateur national Fethi Ghares est actuellement en prison, ou le PST qui a été dissous dernièrement, ou encore l’association RAJ.
Quant aux acquis, le Hirak a pu empêcher le 5e mandat et a même, dans la foulée, aidé à démasquer les oligarques et anciens hauts responsables qui ont pillé les biens du peuple. Or, a-t-il atteint toutes ses aspirations et tous ses objectifs jugés alors légitimes ? Une chose est sûre, ce mouvement n’est désormais pas ce qu’il était.
Si le mouvement qui a pu renverser le régime du défunt Bouteflika, baptisé officiellement « le Hirak béni » et qualifié de « Hirak originel » a été inscrit dans le préambule de la Constitution de 2020, une nouvelle nomination était apparue ; le « neo-Hirak », soit celui qui a continué après l’élection du nouveau président, Abdelmadjid Tebboune.
Quel sort pour les détenus d’opinion qui sont encore en prison ?
D’ailleurs, plusieurs détenus d’opinion et du Hirak croupissent encore en prison. Certains d’entre eux ont décidé de prendre l’option de la grève de la faim après s’être sentis oubliés ou carrément abandonnés avec la signature de la fin du mouvement. Et malgré l’insistance des autorités judiciaires et pénitentiaires à démentir la tenue de cette grève, les avocats et activistes la confirment.
En effet, Me Abdelghani Badi avait affirmé fin janvier dernier que « pas moins de 40 détenus d’opinion ont entamé une grève de la faim afin de dénoncer leur incarcération et les poursuites portées à leur encontre ». En réaction officielle, le parquet d’Alger dément cette grève.
Or, plus d’une vingtaine de détenus grévistes ont été par la suite transférés vers d’autres prisons ; « 13 détenus ont été transférés vers la prison de Bouira, 10 autres ont été affectés vers la prison de Berouaguia, dans la wilaya de Médéa », indique le Comité national pour la libération des détenus CNLD.