Dans l’imaginaire collectif, le dispositif de l’Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes (Ansej) est synonyme d’endettement, d’achat de la paix sociale et, parfois, de poursuites judiciaires et même de peines de prison. Dans certains cas, cet a priori est fondé, dans d’autres, c’est l’exact contraire.
Ce dispositif est une réussite, voire une “success story”, pour les entrepreneurs sérieux et ambitieux qui ont profité des crédits accordés par l’Ansej, non pas pour se pavaner en voiture et verser dans l’excès, mais plutôt pour fonder leur petite entreprise, qui ne connaît pas la crise… À l’Ansej de Bouira, certains promoteurs ont non seulement réalisé leurs projets, mais aussi remboursé leurs crédits et songent déjà à des extensions. Parmi ces cas de réussite, on retrouve différents créneaux, aux antipodes des clichés habituels, comme le transport en commun et autres pizzerias.
La cuniculture, un créneau porteur
Le premier cas est celui de Abdelkader Djeddi , un entrepreneur originaire de la commune d’Aïn Bessam (sud-ouest de Bouira), et qui s’est spécialisé dans la cuniculture. Un mot assez étrange, pour designer l’élevage de lapins. “Tout a commencé en 2009, lorsque je fus conseillé par des amis afin de solliciter l’Ansej pour m’aider à faire aboutir mon projet. J’ai laissé cette idée de côté, et ce n’est qu’en 2013 que j’ai introduit mon dossier auprès de cet organisme”, racontera M. Djeddi. Et de poursuivre : “En cette date, j’ai obtenu un crédit de 160 millions de centimes, que j’ai totalement remboursé, dans le but d’acquérir des lapins dits de Nouvelle-Zélande.” Interrogé sur la méthode d’élevage utilisée, notre interlocuteur précisera qu’elle s’appuie sur “des critères purement scientifiques”. “Je fais essentiellement de la sélection génétique, pour aboutir à une race idéale de lapins. À ce propos, je tiens à dire que j’ai réussi à créer ma propre race et que je vais incessamment la breveter.” Et d’expliquer encore : “Le besoin quotidien en énergie du lapin varie en fonction du type de production mais aussi en fonction de la température ambiante”, a-t-il détaillé. M. Djeddi dit fournir actuellement des particuliers, ainsi que des hôtels en viande de lapin. “Depuis 2013, j’ai écoulé plus de 15 quintaux de viande de lapin, avec seulement 36 lapines et 4 lapins reproducteurs. Mon but est d’atteindre les 100 lapines.” S’agissant des embuches qu’il rencontre, cet éleveur insistera sur “le prix exorbitant” de l’aliment de cette espèce. “5 000 DA le sac de granulés, c’est extrêmement cher !”, s’emportera M. Djeddi, avant de lancer un appel aux pouvoirs publics, afin de “trouver une solution” à cet écueil de taille, selon lui.
Un opticien qui voit loin…
Pour Ferah Younès, un jeune opticien de la ville de Bouira, “l’aventure Ansej” a débuté en 2007, avec l’obtention d’un crédit dit mixte, à savoir de ses propres fonds et ceux de l’Ansej. “J’ai refusé l’aide de la banque, car étant musulman pratiquant, le taux d’intérêt de la banque me paraissait s’assimiler à de l’usure (riiba, ndlr)”, a-t-il tenu à souligner. “Avec une somme de 300 millions de centimes et les facilitations de l’Ansej, j’ai pu démarrer mon affaire et acquérir une machine sophistiquée pour l’époque. D’ailleurs, j’ai rentabilisé mon business au bout de quelques années. J’ai même des salariés”, s’est-il félicité. Pour ce jeune entrepreneur, l’affaire a tellement bien réussi qu’il songe désormais à agrandir son activité. “Je viens de soumettre un dossier d’extension. Il faut dire que les affaires sont florissantes dans le domaine”, a-t-il indiqué. Dans la foulée, nous apprenons par le biais de la chargée de la communication de l’Ansej de Bouira, Mlle Farida Si Nacer, que son dossier a été validé par la commission. Toutefois,
M. Ferah regrette que ses efforts soient “foulés au pied” par le commerce informel des lunettes. “Nous faisons face à la montée en puissance du commerce informel des produits d’optique”, a-t-il déploré. Et de s’expliquer : “Les citoyens achètent des lunettes contrefaites à bas prix en provenance d’Asie, qui peuvent être cancérigènes pour la peau, surtout les montures pour verres.” Cet investisseur exhorte les pouvoirs publics à “lutter sans relâche” contre le marché informel, lequel constitue un danger pour l’économie nationale et surtout la santé du consommateur.
Un local et rien d’autre
Le dernier exemple de réussite est celui d’une femme. Mme Sonia D. Elle est spécialisée dans un secteur peu connu à Bouira. Celui du bien-être. Elle avait sa boutique de soins dermatologiques et de bien-être sur l’axe financier de Bouira, avant de déménager vers la cité El-Thaoura. Cette entrepreneuse, mère de trois enfants et titulaire d’un diplôme de technicien supérieur (TS) en esthétique et soins du corps, a bénéficié d’un crédit Ansej en 2004, pour un montant de 80 millions de centimes. “J’ai tout fait pour réussir dans ce domaine que j’adore plus que tout. D’ailleurs, je me suis fait un point d’honneur pour exercer d’une manière professionnelle en utilisant des produits de très grande qualité, et Dieu merci, 12 ans après, j’ai des clients qui viennent des quatre coins du pays”, a-t-elle fait remarquer. Mme Sonia insiste sur “la qualité professionnelle” des soins qu’elle prodigue dans son cabinet. Cependant, notre interlocutrice soulèvera un problème, lequel, selon elle, risque de la pousser vers la fermeture pure et simple ; celui du local. “À ce jour, je n’ai pas pu bénéficier d’un local digne de ce nom. À chaque fois, je loue à des sommes conséquentes et le propriétaire finit toujours par me demander de lever le camp. Comment peut-on exercer dans de pareilles conditions ?”, s’est-elle interrogée. En outre, cette esthéticienne affirme avoir frappé à toutes les portes, main en vain. “Le loyer que je paie peut aisément me servir à recruter des jeunes et, par conséquent, créer des emplois”, a-t-elle indiqué. À ce titre, elle interpelle les autorités concernées afin de lui céder un local à même de lui permettre de faire fructifier son affaire.