Quelqu’un vient de dire que la finance, le nerf de la guerre, a réinventé la politique à l’Algérie. Et la loi de finance pour 2016 en a été la panacée !
Scènes inédites : la séance de vote de la loi de finances 2016, s’est transformée en une foire d’empoigne entre les députés de l’opposition du PT, FFS, AAV, FJD et El-Bina et ceux qui sont dans la majorité présidentielle. Entre ceux qui versent dans le satisfecit rituel et la suffisance et ceux qui pêchent la sinistrose, la plèbe est déboussolée. Au mieux, elle vibre au rythme des tirades et discours qui se construisent et se déconstruisent au gré des conjectures, des injonctions et des orientations. Après avoir chahuté les débats, les députés de l’opposition ont, par la suite, improvisé une manifestation à l’extérieur de l’hémicycle, sous le regard mi-amusé, mi-dubitatif des badauds.
Ils ont poussé des cris d’orfraie, accusant le gouvernement d’avoir pris « un virage libéral » et de vouloir « affamer le pays » ! Et à ce dernier, via ses porte-voix de crier à la manipulation et à la calomnie en mettant en avant les « 20 milliards de dollars » qu’il consacre aux transferts sociaux, nonobstant la crise. Oui, mais entre-temps la rue, elle, a désappris le débat et nos députés semblent avoir adopté les méthodes de la rue, celles-là dont usent les jeunes de nos quartiers abandonnés pour se faire entendre. Il est à craindre que nos émeutiers soient plus que jamais confortés dans leur mode opératoire.
Drapés dans le déni du réel, nos députés, toutes obédiences confondues, ont porté, à l’occasion de l’examen de la loi de finance 2016, un discours sans constance, non crédible et plein de promesses, « qui n’engagent que ceux qui les écoutent ». Les intervenants dans l’hémicycle, continueront, désormais, à vociférer et aux autres de ne pas les entendre et à nier la réalité, répondant aux échecs de leur politique par un « oui, mais », excluant toute remise en cause de ce qu’ils ont décidé. Députés qui ne lisent aucun livre ! Adeptes de la parole et de la langue de bois, voilà à quoi nous sommes conviés aujourd’hui. Et même sur les plateaux télévisés, il nous arrive d’entendre des inepties et des contre-vérités débitées par tout ce beau monde, aidé il est vrai, par des journalistes plus que complaisants, guidés avant tout par leur souci de plaire à l’invité, qui a sacrifié le principe « du devoir d’informer et du devoir de le dire ».
Ce qu’il nous a été donné de voir et surtout d’entendre à l’APN, au-delà des coups de poings, des crêpages de chignon et des noms d’oiseaux qui ont sifflés, c’est le discrédit de la parole publique ». Ce discrédit de la parole vaut, aussi, pour ceux qui sont dans l’opposition aujourd’hui, mais qui étaient en situation de gouvernance hier. Tous, déjà, émanent de la même matrice ! Et cela a créé dans l’imaginaire social, l’impression de « déjà vu » et de « déjà entendu », de « promesse dite et jamais tenue ».
La parole politique est devenue stérile et l’APN s’est transformée en arène ; dans la situation de crise que nous subissons plus que nous traversons, comment mettrons-nous la société en marche, si nos politiques sont à court d’idée et si nos parlementaires, ou du moins certains, tentent par un baroud impromptu de se refaire une santé, en perspective de 2017 ? Les exagérations partisanes, les cachotteries, les demi-vérités, voilà ce qui nous a été servi en direct à l’APN ! Et ceux qui s’y sont livrés sont des menteurs. Qu’en sera-t-il à la prochaine représentation, quand il s’agira, par exemple, de débattre du projet constitutionnel promis par le président de la République ?
En politique, en définitive, du ministre jusqu’au simple député, tous cachent, contournent, déforment systématiquement, la vérité, sans en ressentir la moindre gêne. Aveuglés par le pouvoir, la gloire, les limousines, les résidences d’Etat, les flatteries de leur entourage, de leur deuxième épouse, tous jouent les importants et mentent effrontément, y compris ceux se réclamant de l’idéologie islamiste »
Ce qui est paradoxal, c’est que le mot «menteur» soit banni, par exemple, de l’APN et que tous ceux qui l’utilisent ou y font allusion, soient sommés de se rétracter. Admettre pour eux qu’ils mentent ? Jamais ! Et pourtant, dans une démocratie, le peuple a droit à la vérité. C’était, d’ailleurs, une exigence du président de la République, qui a ordonné, il n’y a pas longtemps, au premier ministre de dire la vérité au peuple et de le préparer à la crise qui l’attend »