Les dernières déclarations de Bernard Bajolet semblent avoir mis les autorités françaises dans un certain embarras. C’est ce que laissent, en partie, transparaître les propos tenus hier par l’ambassadeur de France en Algérie.
Abla chérif – Alger (Le Soir) – Après un silence de quelques jours, le chef de la représentation française en Algérie a donc réagi aux sorties médiatiques de l’un de ses prédécesseurs à Alger, Bernard Bajolet, auteur d’un ouvrage dans lequel il se livre à des révélations sur la manière dont est assurée la gouvernance dans notre pays, et de propos au vitriol dans une récente interview accordée au Figaro. Xavier Driencourt s’est exprimé à l’occasion de la mise en place du groupe d’amitié algéro-français à l’APN faisant savoir que les déclarations de l’ancien ambassadeur de France en Algérie «ne peuvent engager que sa personne et n’engagent en aucun cas le gouvernement, le président et l’administration française», avant d’ajouter que «les relations algéro-françaises ont besoin d’un apaisement ». Il poursuit : «Bernard Bajolet a occupé, il y a plus de dix ans les fonctions qui sont les miennes aujourd’hui. Il sait combien ces fonctions sont importantes, délicates et compliquées.
Le rôle d’un ambassadeur français à Alger, ce n’est pas de remettre de l’huile sur le feu, fût-ce de l’huile d’olive. C’est, au contraire, de rapprocher, de raccommoder quand il le faut, de faire de la dentelle. Et quand on fait de la dentelle parfois, on se pique avec une épingle. Il faut éviter de se piquer avec une épingle, il faut éviter les piqûres d’épingles et je pense que nous sommes là, pas seulement moi, mais les parlementaires et moi, nous sommes là pour éviter les piqûres». L’Elysée ne s’est pas exprimée officiellement sur la crise induite, entre autres, par les déclarations de celui qui fut aussi patron de la DGSE, la tâche de clarification ayant été à l’évidence laissée au représentant du Quai d’Orsay sur place. Ses propos se veulent en premier lieu une mise au point à toutes les lectures selon lesquelles les autorités officielles françaises se trouveraient directement impliquées dans les «charges» de Bajolet à l’encontre du président Bouteflika et du régime algérien dans sa globalité.
A Alger, comme à Paris, de nombreux médias ont axé leur commentaires sur le fait que de telles révélations, publiées à une période délicate surtout, ne pouvaient qu’avoir reçu le feu vert de l’Elysée compte tenu des hauts postes de responsabilité que son auteur avait assumé. Elles sont surtout survenues au moment où Alger a pris la décision de retirer la protection policière dont bénéficiaient toutes les représentations françaises appliquant la réciprocité à Paris qui en avait fait de même quelques jours plus tôt. Le geste incompris avait alors été perçu comme un signe de tension entre les capitales qui se sont abstenues de toutes explications officielles, et surtout publiques, sur le sujet. Le déballage médiatique de Bernar Bajolet n’a fait lui qu’envenimer une situation déjà très tendue et également marquée par les restrictions sévères en matière d’octroi du visa français. Après la publication d’un livre Le soleil ne se lève plus à l’est dans lequel il procède à des révélations qui ont provoqué la colère d’Alger, l’ancien ambassadeur a accordé une interview (au Figaro) dans laquelle il évoque l’impossibilité d’une avancée dans les relations algéro-françaises en raison de la crise politique qui sévit en Algérie.
Le président Bouteflika a quant à lui été décrit comme étant dans un état de santé grave en des termes politiquement incorrects. Ce fait n’est que la suite d’une succession d’impairs et d’incidents que les dirigeants algériens ont eu du mal à digérer et dans lesquels s’ajoutent ceux commis par le représentant officiel de l’Etat français en Algérie. Ce dernier s’était distingué par des propos jugés également incorrects envers les Algériens et de hauts cadres du pays pratiquement traités de harragas. Des mises au point publiques lui ont été adressées par le porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Jusqu’à l’heure, les autorités algériennes ne se sont pas exprimées officiellement sur la série d’incidents diplomatiques. Les questions de fond seront réglées de vive voix en octobre lors de la réunion de haut niveau qui doit se tenir à Paris dans le cadre de la Comefa (Comité mixte économique algérofrançais).
A. C.