L’attaque contre un hôtel, le Radisson Blue, à Bamako, relance la question sur la situation sécuritaire dans ce pays après une relative accalmie.
On peut se rendre compte rapidement que la prise d’otage qui a eu lieu, avant-hier, à Bamako n’a eu d’impact médiatique que parce qu’elle fait suite à l’onde de choc des attentats de Paris, alors qu’elle fuit précédée par plusieurs attaques et autres avertissements du même genre de la part des groupes terroristes au Mali.
Avec cette distinction notable que contrairement à Paris, où les attentats ont été revendiqués par l’Etat islamique, ce qui se passe au Mali porte surtout l’empreinte d’Al Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), dans une sorte de compétition macabre entre les deux organisations terroristes.
Cette année 2015 a vu, en effet, des signes évidents d’une recherche par les groupes terroristes d’une marge de manoeuvre qu’ils avaient passablement perdus. Le 7 mars, un attentat contre un bar-restaurant au coeur de Bamako, le premier visant des Occidentaux dans la capitale, fait cinq morts, trois Maliens, un Français et un Belge, a été revendiqué par Al-Mourabitoune, le groupe djihadiste de Mokhtar Belmokhtar.
Le 2 juilet, six casques bleus burkinabés de la Mission de l’ONU (Minusma) ont été tués dans une attaque revendiquée par Aqmi sur l’axe Goundam-Tombouctou (nord). La Minusma est mandatée pour veiller à l’application de l’accord de paix signé le 15 mai par le camp gouvernemental, puis le 20 juin par la rébellion à dominante touareg. Le 3 août une dizaine de soldats ont été tués dans une attaque contre leur camp dans la région de Tombouctou.
L’attaque a été revendiquée par Aqmi. Le 1er août, deux militaires avaient été tués dans une embuscade vers Nampala, dans la région de Ségou (centre), déjà visée par une attaque djihadiste en janvier (onze soldats tués). Le 7 août, des hommes armés ont retenu plusieurs personnes à l’hôtel Byblos de Sévaré, près de Mopti (centre), d’où ils ont été délogés près de 24 heures plus tard par les forces maliennes.
Au total, 13 morts. Rappelons que le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes djihadistes liés à Al-Qaïda après la déroute de l’armée face à la rébellion, dont certaines factions étaient alliées à ces groupes qui les ont ensuite évincées. Selon des comptes rendus concordants, ils y ont été dispersés et en ont été en grande partie chassés à la suite du lancement en janvier 2013, à l’initiative de la France, d’une intervention militaire internationale qui se poursuit actuellement. Mais des zones entières échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères. Longtemps concentrées dans le Nord, les attaques djihadistes se sont étendues depuis le début de l’année vers le centre, puis à partir de juin au sud du pays.
Mardi dernier, deux mois à peine après sa nomination au poste de ministre de la sécurité, le colonel-major Salif Traoré a révélé que dans le nord, à part les localités de Gao et de Tombouctou « il n’y a véritablement pas de forces de sécurité ». Au centre et au sud du pays, la présence des forces de sécurité est effective mais les populations ne se sentent pas totalement protégées. Le gouvernement malien tente la mise en place d’unités spéciales et la prise de conscience des agents qui mènent les actions sur le terrain, mais le nouveau maillage demandera du temps.
La situation sécuritaire de ce pays n’est pas facilitée par les conditions socio-économiques, malgré les perspectives d’une meilleure stabilité politique et les effets du dialogue entre le gouvernement central et les mouvements du nord du pays sous l’égide d’Alger. Selon un rapport du PNUD, il est apposé le profil de pauvreté sur 703 communes du Mali, près de 76% des communes ayant connu des difficultés en raison de la crise ont été sujettes à une défaillance de l’administration et ou de la fonction politique. Le rapport souligne également que les difficultés et contraintes sociales suite à la crise de 2012 sont survenues dans 256 communes du pays, soit 63,4% du total.
Le document ajoute que, concernant les communes des régions du nord, la presque totalité a connu des difficultés sociales, notamment les violences faites aux femmes et aux filles.
A.B.