Le recours introduit par le général Hassan pourrait constituer une occasion, pour le président Bouteflika, de “réparer cette injustice” comme réclamé par le général Toufik. Mais le chef de l’État pourrait, également, ignorer cette lettre rendue publique par l’ex-patron du DRS.
La sortie inattendue du général de corps d’armée à la retraite, Mohamed Mediène, fera date. Dans la mesure où c’est la première fois qu’un responsable des services de renseignement rompt le silence et s’exprime sur un dossier d’actualité : la condamnation du général Hassan à cinq ans de prison ferme par le tribunal militaire d’Oran. Le général Toufik, autour duquel tant de mythes ont été tissés, tellement il était secret, invisible et inaudible, n’a pas jugé utile de répondre aux attaques frontales dont il fait l’objet depuis deux ans, de la part d’Amar Saâdani, le patron du FLN.
Cependant, il n’a pas résisté à l’appel du devoir : celui de défendre les hommes qui étaient sous son commandement.
Ne se contentant pas de laver le général Hassan des faits qui lui sont reprochés, le général Toufik assume l’entière responsabilité et met la justice militaire dans la gêne.
En effet, la défense du général Hassan avait vainement demandé l’audition du général Toufik en tant que témoin. Mieux encore, il affirme avoir usé de toutes les voies légales et institutionnelles pour faire entendre sa voix et atteste, entre les lignes, avoir écrit au président Bouteflika à ce sujet.
Il confirme ainsi les dires de l’ancien ministre de la Défense, le général-major Khaled Nezzar, mais conforte, indirectement, ceux du groupe des “19-4” qui affirment que le président Bouteflika serait pris en otage par un clan qui ferait barrage entre lui et le reste du pays. Zohra Drif, l’une des signataires de la lettre, est allée jusqu’à dire qu’il s’agirait d’“un coup d’État institutionnel” opéré par un clan maffieux pour s’emparer de la totalité du pouvoir.
Une chose est sûre : la lettre du général Toufik marque le début, ou la fin, de quelque chose.
Elle vient comme le point d’orgue d’une action entamée depuis quelques mois par des leaders politiques et d’anciens ministres, voulant savoir si, réellement, le président Bouteflika était au courant de ce qui se passait dans le pays et de ce qui se décidait en son nom. Les interrogations pointaient du doigt son entourage immédiat.
Mais le président n’a jamais répondu à ces interpellations. Ce sont plutôt ses soutiens politiques, le FLN et le RND notamment, qui ont pris sur eux de répondre en lieu et place du premier concerné, laissant l’impression que ces soutiens étaient beaucoup plus préoccupés par la succession que par autre chose. Mais, dans le fond, la lettre du général Toufik interpelle directement le président Bouteflika, qui est le ministre de la Défense et chef suprême des armées, et donc, la partie qui a instruit l’action en justice contre le général Hassan. Même s’il se murmure que ce serait le vice-ministre de la Défense, le général de corps d’armée Ahmed Gaïd-Salah, qui en serait à l’origine, l’action en justice relève des prérogatives du président Bouteflika et il en assume l’entière responsabilité, selon les lois de la République.
Le recours introduit par le général Hassan pourrait constituer une occasion, pour le président Bouteflika, de “réparer cette injustice” comme réclamé par le général Toufik. Le président Bouteflika pourrait être amené à accéder à cette requête.
Le sort du vice-ministre de la Défense, devenu trop encombrant, voire hyperpuissant, suite à toutes les “restructurations” effectuées au sein du DRS, serait alors en question.
Mais le chef de l’État pourrait, également, ignorer cette lettre rendue publique par le général Toufik, comme il l’a fait avec la précédente, et comme il l’a fait avec la demande d’audience du groupe des “19-4”, lui qui a horreur qu’on lui dicte sa conduite.
S’il est vrai que personne, en dehors d’un cercle très restreint, ne sait vraiment si le président Bouteflika est au courant de tout et qu’il décide de tout, il est aussi vrai que l’ascension fulgurante du “clan des oligarques” crève les yeux et rien ne semble lui résister pour le moment.
De la réaction du président Bouteflika dépendra la suite des événements : soit il conforte ce clan en plein ascension dans son entreprise, soit il calme le jeu et renvoie tous les protagonistes aux vestiaires, jusqu’à nouvel ordre.