Des voix s’élèvent pour réclamer vérité et justice sur le décès que les proches du défunt qualifient de “crime”.
L’information est tombée tel un couperet : le défenseur des droits de l’Homme et ancien responsable fédéral du FFS à Ghardaïa, Kamal-Eddine Fekhar, est décédé dans la nuit de lundi à mardi à l’hôpital Frantz-Fanon de Blida. Il rend l’âme après son transfert dans un état comateux, conséquence d’une grève de la faim qu’il a entamée dès le début de son incarcération à la prison de Ghardaïa début avril.
Malgré les mises en garde et les interpellations répétées de la part de son avocat Me Salah Dabouze, ou encore de la fédération du FFS de Ghardaïa, sur la “situation catastrophique et inhumaine” qu’endurait le militant en prison, les autorités n’ont pas jugé utile de le libérer. “J’ai tiré la sonnette d’alarme il y a trois semaines pour dire que Fekhar et Aouf Hadj Brahim (son codétenu, ndlr) étaient détenus dans des conditions inhumaines dans le pavillon carcéral de Ghardaïa. Rien n’a été fait. J’ai déposé pour le compte de Me Zahi une demande de mise en liberté pour Aouf et Kamal, le juge d’instruction l’a refusée en un temps record”, a révélé Me Dabouze dans une vidéo publiée sur son compte facebook. Ce décès, un de plus, un de trop, qui a suscité une vague d’indignation et de colère sur les réseaux sociaux, rappelle, par bien des aspects, une autre fin tragique, celle du blogueur Mohamed Tamalt, en décembre 2016. Arrêté le 27 juin pour des contenus publiés sur sa page facebook, Mohamed Tamalt sera condamné le 11 juillet à deux ans de prison ferme. Pour protester contre son incarcération qu’il avait jugée arbitraire, Mohamed Tamalt avait entamé une grève de la faim dès son arrestation, avant de sombrer dans un coma profond trois mois plus tard et au terme duquel il succombera.
À ce jour, et en dépit des appels des ONG, de certains partis et autres défenseurs des droits de l’Homme, aucune enquête sérieuse n’a été diligentée par les autorités pour faire la lumière sur les circonstances exactes de son décès. Interrogé quelques jours après le décès, l’ancien ministre de la Justice Tayeb Louh avait renvoyé les journalistes au communiqué de l’administration pénitentiaire, laquelle s’était empressée de le diffuser pour éviter la polémique naissante. Mais c’était compter sans la volonté de ses proches de faire éclater la vérité et d’obtenir justice. En mars 2017, l’avocat de Tamalt, Me Bachir Mechri, introduit une plainte contre le ministre. Selon Me Mechri, repris alors par le quotidien El Watan, Tayeb Louh est, au regard de la loi, “un haut fonctionnaire pénalement et directement responsable des délits et crimes commis alors qu’il était au courant et avec son accord de ce dont Mohamed Tamalt a fait l’objet quand il se trouvait en prison (…) et qui ont engendré des douleurs atroces morales et physiques ayant conduit à sa mort (…)”. Cette plainte qui ne connaîtra pas de suite, du fait que le ministre était encore en exercice, a été relancée il y a quelques jours.
Quel sera son sort ? Il faut se garder sans doute de tirer des conclusions hâtives. Mais comme pour de nombreuses affaires similaires, il est à craindre que pour le cas du Dr Fekhar les autorités se résoudront, au mieux, à se fendre d’un communiqué de circonstance, au pire à annoncer la mise en place d’une commission d’enquête dont personne ne connaîtra un jour les résultats. Comme pour Tamalt, de nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui pour réclamer la vérité et la justice autour du décès de Fekhar, que ses proches n’hésitent pas à qualifier de “crime”. Seront-elles entendues ?
Karim Kebir