Un attentat suicide a été commis vendredi dans une mosquée chiite de l’est de l’Arabie saoudite, faisant de nombreux morts et blessés, une attaque qui risque d’attiser les tensions confessionnelles par ce royaume à majorité sunnite.
« Un individu a fait détoner une bombe qu’il portait sous ses vêtements pendant la prière du vendredi dans la mosquée Ali Ibn Abi Taleb à Koudeih, une localité de la province du Qatif », a déclaré le porte-parole du ministère.
Cité par l’agence officielle SPA, il n’a pas donné de bilan précis de l’attentat. Des militants chiites et des témoins ont avancé différents bilans allant de quatre à 22 morts et de nombreux blessés.
Les services de secours ont évacué les victimes et l’attentat fait l’objet d’une enquête, a ajouté le porte-parole. Il a réaffirmé la détermination des services du ministère à « traquer toute personne impliquée dans ce crime terroriste perpétré par des personnes cherchant à porter atteinte à l’unité nationale, et à la présenter à la justice ».
La localité de Koudeih est située au nord de la ville de Qatif, au coeur de la Province Orientale, une région pétrolière, où se concentre la minorité chiite. Les chiites se plaignent de discriminations dans un royaume à majorité sunnite et appliquant une version rigoriste de l’islam.
Le mufti d’Arabie saoudite, plus haut dignitaire de l’establishment religieux sunnite, cheikh Abdel Aziz ben Abdallah Al-Cheikh, est intervenu en direct sur la télévision publique El-Ekhbariya pour dénoncer l’attentat: « C’est un acte criminel destiné à creuser un fossé entre les fils de la nation (…) et à propager les troubles dans notre pays ».
Mais sur place, l’attentat a provoqué la colère de chiites contre le manque de protection de leurs lieux de culte. « Les gens étaient très en colère », a rapporté une habitante de Qatif, Naseema Assada, selon laquelle des manifestants ont crié comme slogan: « On a besoin de se protéger par nous mêmes ».
De nombreux habitants disent craindre, selon elle, la répétition de tels attentats si rien n’est fait pour contrer « les discours de haine » contre les chiites qui se répandent sur les réseaux sociaux.
L’ombre de l’EI
« Nous ne voulons pas voir ce qui se passe en Syrie et en Irak se reproduire ici. Ceci est notre pays et nous l’aimons », a-t-elle clamé, en référence au groupe Etat islamique (EI) qui contrôle des pans entiers de ces deux pays.
Des sites d’information de l’est de l’Arabie saoudite et des versions en ligne des quotidiens nationaux ont publié des photos de corps de victimes baignant dans leur sang.
Le site du quotidien Arryadh a notamment mis en ligne des photos de tapis de prière imbibés de sang et du faux plafond de la mosquée qui s’est effondré en partie sous le souffle de l’explosion.
Des témoins avaient indiqué, dans un premier temps, que le kamikaze était un Pakistanais mais d’autres ont évoqué une personne habillée à l’afghane sans pouvoir dire s’il s’agissait d’un Saoudien ou non.
Selon l’un des militants chiites, l’hôpital de Qatif a lancé des appels à des dons de sang. Les autorités saoudiennes ont multiplié ces derniers mois les arrestations parmi des extrémistes sunnites soupçonnés de planifier des attaques pour attiser les tensions confessionnelles dans le pays.
En novembre, des hommes armés ont tué sept chiites, dont des enfants, dans la localité d’Al-Dalwa (est) pendant la célébration du deuil chiite de l’Achoura.
Quatre assaillants ont participé à l’attaque. Ils avaient auparavant abattu un homme dans une localité voisine et utilisé sa voiture pour mener l’attaque.
Le mois dernier, les autorités ont annoncé le démantèlement d’une cellule de 65 personnes soupçonnées de liens avec l’EI et cherchant à perpétrer des attaques pour « attiser les tensions confessionnelles ».
Depuis 2011, la Province Orientale a connu des attaques sporadiques contre les forces de sécurité et des protestations qui ont fait une vingtaine de morts.