INES DALI
Le mandat du chef de l’Etat par intérim, Abdelkader Bensalah, intronisé à ce poste le 9 avril dernier après la démission de l’ex-président de la République, expire aujourd’hui, selon l’article 102 de la Constitution. La principale mission devant être accomplie par le chef de l’Etat intérimaire durant les quatre-vingt-dix jours de son mandat, selon le même article, est l’organisation de l’élection présidentielle qui devait se tenir le 4 juillet dernier. Mais ce rendez-vous électoral a été annulé sous la pression populaire qui avait rejeté l’option d’aller aux urnes avec les symboles du système décrié, notamment Noureddine Bedoui qui avait occupé le poste de ministre de l’Intérieur et qui avait été accusé de fraude dans les résultats des précédents rendez-vous électoraux.
L’échéance du 4 juillet a été annulée, également, suite à la menace du refus d’encadrement du scrutin par une partie des magistrats, des présidents d’APC et du personnel administratif, notamment au niveau des APC. Le Conseil constitutionnel avait, alors, rendu public un communiqué dans lequel il annonçait l’annulation du rendez-vous du 4 juillet, en déclarant «l’impossibilité de tenir cette élection et la réorganisation de celle-ci de nouveau».
La mission du chef de l’Etat par intérim d’organiser l’élection présidentielle et qui devait prendre fin à la prestation du serment du président élu (aujourd’hui 9 juillet) n’ayant pas eu lieu, Bensalah a été reconduit de fait par le Conseil constitutionnel. Considérant que «dès lors que la Constitution prévoit que la mission essentielle dévolue à celui investi de la charge de chef de l’Etat est d’organiser l’élection du président de la République, il y a lieu de réunir les conditions adéquates pour l’organisation de cette élection dans la transparence et la neutralité en vue de préserver les institutions constitutionnelles qui concourent à la réalisation des aspirations du peuple souverain», avait écrit le Conseil constitutionnel dans son communiqué.
«Il revient au chef de l’Etat de convoquer de nouveau le corps électoral et de parachever le processus électoral jusqu’à l’élection du président de la République et la prestation du serment constitutionnel», a ajouté le Conseil constitutionnel, reconduisant ainsi de fait Abdelkader Bensalah dans sa fonction de chef de l’Etat par intérim. Une déclaration qui avait suscité moult réactions en ce temps-là. Mais qu’en est-il aujourd’hui, alors que le mandat du chef de l’Etat par intérim est, selon l’article 102 de la Constitution, arrivé à expiration ?
Contactée hier, la spécialiste en droit constitutionnel, Fatiha Benabbou, a déclaré : «Le Conseil constitutionnel a déjà fait une «fetwa» sur ce sujet et, juridiquement, sur le plan constitutionnel, l’interprétation du Conseil constitutionnel prime sur celle de la doctrine, un fait que tout juriste peut confirmer.» Elle ajoutera qu’au vu de la situation exceptionnelle que vit le pays, «le Conseil constitutionnel a fait dans la jurisprudence». Fatiha Benabbou étayera ses propos en soulignant que «même dans le droit constitutionnel, il y a ce qu’on appelle un pouvoir de fait qui est appliqué dans des cas exceptionnels, comme cela s’est passé en 1992». La reconduction de fait de Bensalah dans sa fonction de chef de l’Etat «obéit au principe de ne pas laisser l’Etat, qui est une personne morale, sans chef, tout en restant dans un esprit constitutionnel», selon notre interlocutrice. «Le Conseil constitutionnel a mis en avant le principe de la continuité de l’Etat, car il est tout à fait clair que l’Etat ne peut pas rester vacant, sans personne comme vis-à-vis, par exemple, par rapport à l’étranger», a-t-elle encore dit.
«Soit nous allons au dialogue comme des gens civilisés, soit à la confrontation »
A la question de savoir comment perçoit-elle l’option du dialogue prônée par le chef de l’Etat intérimaire et par une partie de la classe politique, des syndicats et de la société civile pour sortir de la crise dans laquelle se débat le pays depuis le 2 février dernier, notre interlocutrice a préféré d’abord noter que «la radicalisation, d’un côté comme de l’autre, n’apporte rien de bon».
Elle poursuit que la situation dans la situation actuelle suppose deux scénarios ou deux solutions. «Soit nous allons au dialogue comme des gens civilisés, soit à la confrontation. Mais c’est la première option qui peut ouvrir des horizons nouveaux et pacifiques pour l’Algérie.
L’option du dialogue est plus appropriée. On y va même s’il faut taper sur la table pour convaincre notre vis-à-vis», de l’avis de Mme Benabbou. Pour que le dialogue soit bien mené, estime-t-elle, il vaut mieux y aller en force et parler d’une même voix pour une sortie de crise.
«Il ne faut surtout pas aller dispersé au dialogue, car si nous n’allons pas au dialogue, que nous reste-t-il comme option ? C’est la confrontation avec tout ce que cela suppose comme conséquences pour le pays et pour tous les Algériens», avertit-elle, en insistant que le dialogue reste, à son avis, la meilleure solution. «Il faut aller à la table des négociations, il faut s’imposer, quitte à frapper du poing sur la table, mais il ne faut pas être négatif. Il faut discuter, faire des concessions les uns les autres jusqu’à tomber sur un consensus», conclut-elle.