Rachid Beldi
Jours de tourmente pour l’industrie automobile en Algérie. Moins d’une semaine après avoir été informées de la décision du gouvernement de plafonner à 2 milliards de dollars les importations 2019 de collections CKD-SKD, servant à l’assemblage automobile, les entreprises viennent de prendre connaissance que le document préparé par le ministère de l’Industrie et des Mines dans cette perspective fixe aussi les montants attribués à chacune des quatre entreprises activant actuellement dans le secteur, à savoir Renault Algérie Production, Sovac Production, Gloviz (Kia) et Tahkout Manufacturing Company (Hyundai).
Sachant que le plafonnement décidé est à effet rétroactif et que 920,86 millions de dollars ont déjà été dépensés pour l’importation des kits CKD-SKD, pour le compte du premier trimestre, ces entreprises devront se contenter du montant restant pour assumer leurs activités durant les mois à venir de l’année en cours. Dans ce sens, le groupe Renault Algérie s’est vu accorder 660 millions de dollars, contre 600 millions de dollars pour Sovac, 380 millions de dollars pour Gloviz (Kia) et 360 millions de dollars pour TMC (Huyndai). Cette répartition est accompagnée d’une mesure qui réduit la liste des modèles assemblés en Algérie. Si l’usine Renault de Oued Tlelat (Oran) se trouve épargnée par cette opération et conserve ses trois modèles, Renault Symbol et Clio ainsi que Dacia Sandero Stepway, les trois autres opérateurs sont appelés à revoir sensiblement à la baisse le nombre de modèles qu’ils assemblent.
A commencer par le Groupe Sovac, qui assemble déjà 16 modèles et qui devra passer, selon le document du ministère de la tutelle, à seulement 4 modèles, à savoir VW Golf, VW utilitaire Caddy, Seat Ibiza et Skoda Octavia. Au passage, l’usine Sovac Production devra abandonner la marque Audi, dont des modèles y sont assemblés depuis la fin de l’année dernière. De son côté, l’usine Gloviz devra se contenter des modèles Rio, Picanto et Cerato, selon le même document, alors que le groupe Tahkout a droit au Tucson, Santa fe, Accent RB, Sonata, i20 et Creta.
Pour justifier sa décision de limiter le nombre de modèles assemblés en Algérie, le ministère de la tutelle dit s’être référé aux autorisations accordées initialement aux constructeurs par l’Agence nationale de développement de l’investissement (Andi). Ce qui ne manque pas de surprendre un responsable chez un concessionnaire.
Ce dernier assure que l’Andi n’a jamais limité le nombre de modèles à assembler. Il faut savoir aussi que le document du ministère de l’Industrie a été adressé au Premier ministre Nourredine Bedoui, le 21 mai, après avoir été signé par le secrétaire général par intérim Ziani Belkacem, démissionnaire depuis. Une démarche qui remet en cause le décret exécutif n°17-344 du 28 novembre 2017 fixant les conditions et les modalités d’exercice de l’activité de production et de montage de véhicules, regrette notre interlocuteur, en s’interrogeant sur les bases qui ont servi à mettre en branle la démarche surprise du gouvernement, alors que le Conseil national de l’investissement garantit un plan de production permettant de monter progressivement en cadence, selon le business plan tracé par chaque opérateur.
Une réaction des constructeurs n’est
pas exclue
C’est pourquoi, une réaction des constructeurs engagés dans les projets automobiles en Algérie n’est pas exclue. Ces derniers et leurs partenaires algériens se sont lancés dans l’assemblage automobile dans le cadre d’un cahier des charges qui structure l’activité. C’est dire qu’en voulant réduire la facture des importations de kits CKD-SKD pour l’activité d’assemblage automobile, le gouvernement a fait preuve de précipitation qui rappelle les mesures prises, à partir de 2015, pour la limitation, puis l’interdiction, des importations de véhicules neufs dans le cadre de nouveaux mécanismes de commerce extérieurs visant à réduire la facture des importations globales du pays. Une mesure qui avait poussé l’ensemble des concessionnaires à mettre la clé sous le paillasson et à licencier des milliers d’employés.
Quatre années et demie après l’entame de l’assemblage de véhicules de tourisme en Algérie, à travers le site Renault Algérie Production, le secteur se remet à vivre les mêmes angoisses et la crainte de voir les usines en activité tourner à très bas régime et sans plan réel de développement. Une menace crainte pour les 6 000 emplois directs qu’a réussi à créer l’activité d’assemblage.