Le grand déballage a commencé…
Le coup de tonnerre est survenu à la mi-journée du jeudi lorsque Belkacem Boumediene déclara que son ministre savait tout…
Chikh essuie trois larmes et reste à la barre, décidé à se battre jusqu’au bout. Le membre du Conseil de l’ordre, Kamel Alleg, est gentiment prié de cesser de perturber les débats. Maître Nacéra Ouali s’esclaffe et Regad de jeter: «C’est le plus gentil de tout le Bâtonnat national», le tout balancé en direction du turbulent Alleg. Chikh continue ses explications techniques en tentant de faire comprendre que ce qui lui arrive est… injuste, surtout au moment où le président lui rappelle que des milliards suivent les «instructions» d’où qu’elles émanent.
Et le mot: «Instructions» dans la bouche d’un magistrat, fait dresser les cheveux sur le crâne d’un… chauve, tel celui de Maître Mourad Zeguir, sagement assis à côté de Maître Houcine Chiat. Les interprètes, eux, se reposent pendant cette audition et les étrangers aussi dans une ambition morose et lourde…
Regad rappelle les «instructions» du P-DG de Sonatrach voulant que le gré à gré soit l’exception… La jeune Maître Amina Bouchetout est entrée en vue de suivre une partie des débats «pour apprendre», siffle-t-elle, un beau sourire sur son visage d’ange… en cette fin d’année 2015. Chikh est noyé dans l’émotion. Il est prié de se reposer et revenir plus tard…
Belkacem Boumediene arrive à la barre et du haut de ses 188 centimètres, il se dit prêt à répondre à la justice. Son parcours est élogieux. Il a gravi les marches du «palais» Sonatrach avec brio, réussissant à être nommé par décret présidentiel en 2005, le 13 janvier, vice-président par intérim de Sonatrach. Jusqu’en 2006, j’ai été nommé officiellement. Il a aussi parlé des élèves qu’il a formés pour la société. Puis, il sort le dossier «télésurveillance» et ses inoubliables ennuis, car outre la production, il s’agissait de la sécurité… Maître Fatima Ladoul était attentive et pour cause…
Il revient au nombre de marchés qui a abouti à 85 milliards.
La commission s’est chargée de l’attribution des 117 marchés en août 2007; Kantel fait partie de cette catégorie, car il était question d’urgence sécuritaire avec cette société.
Regad caresse dans le sens du poil, trouve que l’accusé a un haut niveau mais lui demande de rester dans ce qui intéresse les accusations. Son avocat, Maître Madani, proteste énergiquement entre les procédés de Regad qui répond que c’est la loi qui veut que le président oriente l’accusé dans ses réponses: «Je n’exagère rien du tout. Il y a un interrogatoire en cours. Arrêtez de protester!», articule le président. Maître Tzerouine, le second avocat, intervient à son tour. Le ton monte, mais les nerfs résistent et tout rentre dans l’ordre. Regad remet les pendules à l’heure en répétant qu’il questionne les accusés sur le vu des PV d’audition de la police judiciaire et du juge d’instruction.
Belkacem Boumediene revient aux contrats décriés. Il y a des montants pour suivre le chapelet de l’organigramme dans l’étude d’un contrat avant sa signature.
«Le montant de Kantel n’a jamais été le plus élevé. Siemens a coûté plus de 1 000 milliards!
Puis l’interrogation se noie dans les concepts financiers, tels les défis, les offres, les baisses, car Sonatrach cherche la grande qualité à des prix raisonnables, les cahiers des charges faisant foi.
L’accusé insiste sur le travail d’équipe, d’une commission honorable. Il n’y a aucune action individuelle et les marchés ont été attribués publiquement. Etant vice-président, c’est à moi que les comptes sont demandés.
L’information sécuritaire a permis de rendre fluide le travail des responsables de Sonatrach.
«Tout le monde savait tout en matière de sécurité, surtout que le ministre de l’Energie et des Mines était aussi président de l’assemblée générale.»
Boumediene martèle: «J’étais responsable et au courant de tout. Je voulais que nos ingénieurs soient d’actualité avec leurs collègues étrangers. C’est pourquoi le «soit transmis» que j’ai réussi contenait une recommandation de recevoir une société de télésurveillance et de voir avec ce qu’il y a lieu de réaliser en matière de technologie!» a dit face au tribunal criminel dont le président demande l’usage impératif de la langue nationale même le dialectal.
Au passage, Boumediene dément toutes les déclarations faites à la barre concernant les «actes et contrats». Regad demande à l’accusé d’entrer dans le vif du sujet: les contrats.
Nous aurons droit à une «conférence» autour des coutumes internes à la société.
Le tribunal criminel peut attendre des mea-culpa. C’est pourquoi lorsque l’ex-vice-président avait martelé que Chakib Khelil savait et était au courant de tout (ses instructions écrites faisant foi) ce fut le coup de tonnerre dans le box des accusés et même des non-détenus. Une sorte de délivrance en quelque sorte. Oui, Boumediene a créé le sensationnel et il a été le seul sur les quatre déjà entendus. Un avocat marmonne au-dessus de notre épaule: «C’est facile de citer un nom, mais difficile de le ramener ici pour la contradiction!».
Entre-temps, Boumediene élargissait son champ de déclarations soulageantes pour les accusés présents. «Le gré à gré se construit pièce par pièce!» a-t-il dit.
Regad demande alors le pourquoi de l’acceptation de cette formule à risques. L’ex vice-président de Sonatrach s’enfonce dans les explications autour des pressions de Chakib Khelil, alors ministre.
Il reparle des appels d’offres: «Sur 5000, 50% ont été étudiés pour atterrir sur le gré à gré», ajoute Boumediene qui déclarera les mille difficultés du secteur sur le plan sécuritaire, ce qui explique l’urgence l’aller vers le gré à gré, ce vil procédé qui a ramassé tout ce beau monde… Boumediene se dit heureux de s’adresser à la justice algérienne (il pleure). Le juge lève l’audience pour une demi-heure.
Cette pause permet à Maître Khaled Berguel de se défouler autour de ceux des accusés venus à la barre verser des larmes… tardives au nom de l’exécution d’instructions émanant de Chakib Khelil, le ministre, loin du champ de bataille du 27 décembre 2015, où une âpre lutte va voir ceux qui s’en sortiront blanchis, sourire enfin.
Néanmoins, Boumediene se déjuge en martelant que tout ce qu’il a déclaré à la police judiciaire était archifaux: «J’ignorais ce que je disais dans les horribles conditions qui «me voyaient»», a-t-il marmonné en s’appuyant à la barre.
A préciser que jusqu’ici, Mohamed Meziane n’a pas été cité par l’accusé, préférant Chakib Khelil.
Il ira même jusqu’à marteler avec force, que jusqu’à la fin des temps, le P-DG est habilité à tout signer. C’est le règlement intérieur de Sonatrach.
Il ressent l’opportunité, l’urgence et révoque la police judiciaire à qui il avait dit que l’ex-ministre de l’Energie et des Mines avait crié: «J’assume ma responsabilité pour ce qui est des Meziane. Tout mettre en place pour le succès de la stratégie!».
Le ministre et le P-DG ont avec eux la force de l’assemblée générale, même si le ministre n’a pas droit de regard sur les rentrées de Sonatrach qui relève de l’assemblée générale, uniquement.
Regad donne rendez-vous au dimanche 3 janvier 2016 à 9h30.