Au Royaume-Uni, le « contrat zéro heure » ne fait pas le bonheur de tous

Au Royaume-Uni, le « contrat zéro heure » ne fait pas le bonheur de tous

Dans leurs contrats d’embauche, aucune indication d’horaires ou de durée minimum de travail n’est mentionnée. En Grande-Bretagne, de plus en plus de salariés sont employés sous le « zero-hours contract », littéralement, « contrat zéro heure ». Un statut qui rencontre autant de succès qu’il suscite de polémique.

Pensé pour promouvoir la flexibilité du marché du travail, le zero-hours contract prévoit que le salarié se rende disponible à n’importe quel moment de la journée. Dans la pratique, les employés sont en général informés d’une semaine à l’autre du nombre d’heures à effectuer, et sont priés d’être d’astreinte si besoin. Chaque heure travaillée est rémunérée au salaire minimum, soit 7,30 euros. De son côté, l’employeur n’est pas tenu de garantir une durée de travail minimum.



Ce type de contrat, qui existe depuis de nombreuses années, a été encadré par la loi sur l’emploi de 1996. Depuis 2008 et l’aggravation de la situation économique, le phénomène prend une ampleur considérable, longtemps sous-estimée par les pouvoirs publics. Après avoir reconnu que ses données étaient sous-évaluées, le bureau des statistiques nationales britanniques a revu ses chiffres à la hausse. Désormais, l’institut jauge le nombre de zero-hours contracts à 250 000. Soit quatre fois moins que l’étude menée par le Chartered Institute of Personnel and Development (CIPD). D’après cet organisme, dont l’enquête se fonde sur les déclarations des employeurs, ils seraient un million de Britanniques à travailler sous ce statut.

LE PALAIS DE BUCKINGHAM CONCERNÉ

Ces révisions et nouveaux calculs font suite aux révélations du Guardian. Depuis quelques semaines, le quotidien britannique s’évertue à recenser les entreprises les plus gourmandes de zero-hours contracts. Le journal a même établi un classement des entreprises où le contrat était le plus utilisé. En tête, McDonald’s, qui emploie quelque 82 000 salariés sous ce statut précaire, soit 90 % de ses effectifs.

McDonald's emploie 90 % de ses effectifs britanniques en "zero-hours contracts", soit 82 000 personnes.

Depuis son arrivée sur le marché britannique, en 1974, McDonald’s a constamment eu recours à ce type de contrat, selon le quotidien britannique. Mais le géant américain est loin d’être la seule société mise en cause. Fin juillet, leGuardian révélait que Sports Direct, le premier vendeur d’articles sportifs de Grande-Bretagne, employait 90 % de ses effectifs – soit 20 000 personnes – sous le zero-hours contract. Plus surprenant, le palais royal n’échappe pas à la polémique : les 350 saisonniers de Buckingham, déjà à temps partiel, sont embauchés sous ce statut.

A ce jour, le Guardian a recensé 180 000 zero-hours contracts dans le privé. Selon un rapport de la chambre des communes, les principaux secteurs concernés sont l’hôtellerie et la restauration, à l’image des chaînes de fast-food comme Burger King ou Subway.

La fonction publique n’est pas en reste. La santé en est le deuxième employeur avant l’enseignement, où la part des effectifs embauchés en zero-hours contract atteignait respectivement 13 % et 10 % en 2011. En avril 2013, le Financial Timesestimait que les hôpitaux publics de Grande-Bretagne employaient 100 000 personnes sous ce statut. Une augmentation de 24 % en deux ans.

INTERDICTION DE TRAVAILLER POUR UN AUTRE EMPLOYEUR

Face à l’ampleur du phénomène, symptomatique du marasme économique, le principal syndicat de la fonction publique britannique au Royaume-Uni, Unison, s’est élevé contre l’utilisation de ces contrats présentant d’« énormes inconvénients en comparaison avec un travail permanent et régulier ». Car à l’incertitude detravailler et d’être rémunéré, s’ajoute l’absence de congés payés et d’indemnités maladie, auxquels le statut ne donne pas droit. Dans certains cas, en particulier pour les saisonniers du palais de Buckingham, les salariés sont interdits detravailler pour un autre employeur.

Une précarité qui cristallise l’opposition de certains politiques britanniques. Depuis quelques semaines, des députés ont demandé au gouvernement de réagir. En avril 2013, Andy Burnham, membre de l’opposition, avait appelé à « banir le zero-hour contract« .

Face à ses pressions et à la polémique grandissante outre-Manche, Vince Cable, secrétaire d’Etat au commerce, s’est contenté d’une réponse évasive. Chargé par le gouvernement de mener un compte rendu sur les zero-hours contracts, il a déclaré le 5 août envisager quelques possibles changements. Entre autres, l’interdiction pour les entreprises d’empêcher ces salariés de travailler pour d’autres entreprises. En revanche, toute abrogation du statut est écartée. Des avancées timides, au conditionnel, et sans calendrier précis.