Le projet de loi de finances 2016 qui fait aujourd’hui l’objet du vote à l’APN, aura donné lieu à énormément de bruit et fait couler beaucoup d’encre depuis sa présentation devant la commission des finances. Et pour cause, les changements proposés s’avèrent profonds et révolutionnaires; ils tendent tous vers le principe de rigueur, pour ne parler ni de rationalisation de dépenses ni d’austérité.
Il s’agit notamment d’augmentations sur les taxes des produits énergétiques, notamment le réajustement de la TVA qui passe de 07% à 17% sur la vente de gasoil, et sur la consommation de gaz dépassant les 2500 thermies/trimestre, ainsi que la consommation d’électricité dépassant 250 kw/trimestre, et ce en plus d’une augmentation sur la taxe de la vignette automobile. Sur un autre plan, le PLF prévoit également l’instauration d’un «mécanisme budgétaire» donnant pouvoir au ministre des Finances de geler ou d’annuler des projets par le biais de «décrets d’ajustement», de permettre l’ouverture des capitaux des entreprises publiques à des résidents nationaux, et de procéder à une révision de la politique de subventions.
D’un autre côté, le PLF préconise plus de facilités d’accès au foncier industriel, au financement et à l’allégement fiscal, au même titre qu’il encourage l’investissement à travers l’autorisation aux privés pour créer des zones d’activité et des zones industrielles, et la suppression de l’obligation de réinjections des bénéfices découlant des avantages obtenus dans le cadre de dispositifs d’aide à l’investissement.
En profondeur, le PLF se scinde en trois axes principaux, à savoir le maintien de la politique sociale, la prudence dans la gestion des ressources et l’accélération de la croissance économique. Par ailleurs, les chiffres phares du PLF restent très évocateurs d’une situation difficile et demeurent loin de mettre toutes les parties sur un terrain d’entente. Il s’agit d’un point de vue macroéconomique, d’une hausse de la facture d’importations à 54,7 milliards de dollars, pour une baisse en revenus des exportations de l’ordre de 26,4 milliards de dollars, d’une baisse de 09% dans les dépenses budgétaires avec 4747,43 mds DA.
D’un autre côté, le PLF prévoit une baisse de 4,3% sur les recettes, une croissance hors hydrocarbures de 4,6% pour un déficit au solde du Trésor de l’ordre de 2452 milliards de dollars, le tout cadré par un prix de référence du baril à 37 dollars, pour un taux de change de 98 dinars pour un dollar. Pour les observateurs, et mis a part une lecture technique de ces propositions, il est clair que l’Algérie entre de plain-pied dans une politique d’austérité, appelée «rigueur budgétaire», et ne fait que tâtonner pour l’instant. Pour preuve, plusieurs voix politiques ou parlementaires se sont élevées pour crier leur mécontentement et appeler au maintien du pouvoir d’achat des citoyens, des projets lancés, et de stopper la dépréciation du dinar. Elles proposent des subventions ciblées qui ne profitent pas aux riches et aux pauvres de la même façon, d’instaurer un impôt sur la fortune, et une modernisation du système bancaire qui ne joue plus son rôle. En outre, elles voient des contradictions dangereuses dans les propositions relevant de la souveraineté économique du pays à l’image de l’article 71, et le principe d’ouverture des capitaux des entreprises publiques. A cela, le ministre des Finances parle d’une «maîtrise parfaite» de la situation économique et d’une gestion de prudence. En somme, il est clair que les propositions contenues dans le PLF sont inédites et revêtent un aspect d’aventure. Et pour cause, les stratégies économiques retenues jusque-là par l’Etat ont toujours été basées sur les réserves générées par les revenus des hydrocarbures et leur utilisation dans une politique d’investissement dans la prospérité sociale. A tel point qu’un nombre important de ressources internes ont été occultées et demeurent dépréciées, l’aisance financière des dernières années aidant. Plongeant la société dans une réalité virtuelle, qui n’aura eu pour mérite que le choc de se réveiller au lendemain de la chute des prix du pétrole sur un projet de loi de finances allant à l’encontre des faux réflexes développés durant la période faste.