Confiée aux groupements chinois CITIC-CRCC et japonais Cojaal en 2006 avec un délai de livraison de 40 mois, la réalisation de l’autoroute Est-Ouest suscite les réserves des techniciens algériens engagés sur le chantier.
En cause, la qualité des travaux réalisés sur plusieurs parties du projet. Exemple : Sur le tronçon Centre reliant Alger à Bordj Bou Arreridj, confié aux Chinois, « tous les procès verbaux de réception des travaux se terminent par la mention « manque de plans » », affirme à TSA un expert algérien engagé dans le suivi du projet.
Outre l’absence d’études et de plans, le groupement Citic-Crcc utilise des matériaux non conformes à la réglementation algérienne dans la construction de remblais, notamment sur le tronçon Lakhdaria-El Hamiz, aux portes d’Alger.
« L’Agence nationale des autoroutes (ANA) est incapable de lever le doigt. Elle a reçu ordre de ne pas bloquer les travaux quel que soit le motif. Les Chinois reconnaissent la mauvaise qualité des matériaux utilisés dans les remblais et ils ont demandé à l’ANA de les autoriser à ramener un bon matériau trouvé un peu loin du chantier, mais l’ANA a refusé pour ne pas surévaluer le projet avec les frais de transports », ajoute le même expert.
Confié au groupe canadien SNC Lavalin, le contrôle des travaux de cette autoroute se fait également d’une façon aléatoire et complaisante.
« Les Chinois sont pressés par Amar Ghoul de terminer les travaux. Ils savent que le seul souci du ministre des Travaux publics est de livrer le projet dans les délais, c’est à dire en 2010. La qualité des travaux devient un élément secondaire», ajoute un autre expert algérien dans les travaux publics.
Les ingénieurs algériens qui travaillent sur ce projet dénoncent l’obsession du ministre des Travaux publics de livrer le projet dans les délais au détriment de la qualité des travaux et de la sécurité des automobilistes.
« Le ministre pense que l’autoroute est une plate forme goudronnée, rien de plus. Si les travaux sont de mauvaise qualité, l’Algérie sera obligée de refaire tous les tronçons dans trois à quatre ans après sa mise en service et malheureusement, c’est ce qui va se passer avec cette autoroute », affirme le responsable d’un bureau d’études privé de travaux publics.
Outre la mauvaise qualité des travaux que les automobilistes ont déjà constaté sur les parties livrées du projet, les tronçons ouverts à la circulation ne disposent pas d’aires de repos, de stations-services ou de centres de surveillance.
« Une autoroute, ce n’est pas seulement des voies séparées par un terre-plein central, mais surtout un niveau de service de très bonne qualité. Les automobilistes doivent se sentir en sécurité en empruntant l’autoroute et ce n’est pas le cas aujourd’hui en Algérie », déplore le même responsable.
Le très médiatique ministre des Travaux publics Amar Ghoul a encore une fois pris à témoin l’opinion publique, jeudi 27 août, sur la livraison de cette autoroute courant 2010, maintenant la pression sur les entreprises de réalisation alors que le projet connaît d’importants retards et de nombreuses difficultés.
Il a également profité de cette sortie pour ajuster sa stratégie de communication.
Amar Ghoul a expliqué aux journalistes que le dossier est scindé en quatre sous-dossiers.
Si les délais de réalisation sont fixés à 40 mois, ceux relatifs à son équipement et sa gestion n’ont même pas été fixés «j’ai exposé ce dossier au Président de la République lundi dernier. Son inscription est prévue au titre de la loi de finances 2010», a-t-il explique.
Le ministre confirme implicitement que l’autoroute, avec toutes les infrastructures, ne sera pas livrée en 2010.
En effet, le ministre a annoncé que appels d’offres pour l’équipement et la gestion de l’autoroute seront lancés entre septembre et octobre 2009.
Or, il faudrait au moins deux ans pour choisir les partenaires et mettre en place les installations de péage, les stations-services et créer des aires de repos, affirment des spécialistes interrogés par TSA.
Du coup, l’autoroute ne sera livrée en totalité avant 2013.
Le ministre des Travaux publics a déjà utilisé cette « astuce » de communication sur la deuxième rocade d’Alger de 65 km pour justifier l’énorme retard de deux ans enregistré par le projet.
M. Ghoul parle désormais d’une rocade de 200 km en comptabilisant les échangeurs et les bretelles.
Ali Idir