Le ministre semble vouloir rectifier le tir pour atténuer la discorde autour d’un texte de loi fondamental, bruyamment dénoncé et rejeté en bloc par l’opposition parlementaire.
Le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhelfa, a effectué hier un revirement spectaculaire lors de la présentation du projet de loi de finances 2016, devant les membres du Conseil de la nation. Le ministre qui n’a jamais évoqué ni à travers ses sorties médiatiques ni au niveau de la commission des finances ni encore moins à la séance plénière de l’APN, l’ exclusion des entreprises stratégiques du champ d’application des dispositions de l’article 66, s’est voulu, hier, très rassurant.
«Les entreprises stratégiques comme Sonatrach, Sonelgaz, Algérie Télécom et autres, sont exclues de l’ouverture envisagée du capital social des entreprises publiques. Ces grandes entreprises sont, d’ailleurs, régies par des lois spécifiques empêchant toute ouverture de leur capital», a-t-il précisé. Cette attitude est-elle due à la levée de boucliers suscitée par les mesures contenues dans certains articles controversés? Le ministre semble vouloir rectifier le tir pour atténuer la discorde autour d’un texte de loi fondamental, bruyamment dénoncé et rejeté en bloc par l’opposition parlementaire.
Même Ahmed Ouyahia, le secrétaire général par intérim du RND, a, de son côté également, reproché au gouvernement son manque de communication et d’explication des dispositions dudit projet de loi. Agissant pourtant sur un terrain conquis, le ministre a beaucoup insisté sur les dispositions des articles controversés. La mesure prévue par l’article 66 de la loi «ne vise justement pas une large ouverture du capital des entreprises publiques mais plutôt la pérennité de certaines entreprises en les dotant de ressources financières dont elles ont besoin, tout en conservant, 34% du capital sous la propriété de l’Etat». Mais l’article 66 de la LF2016 ne précise pas cette exception explicitement: cet article stipule que «les entreprises publiques économiques, qui réalisent des opérations de partenariat à travers l’ouverture du capital social en faveur de la participation de l’actionnariat national résident, doivent conserver au moins 34% du total des actions ou des parts sociales», rappelle-t-on. En outre, «l’actionnaire national résident peut détenir ces actions sur une période de cinq ans. Après une expertise juridique sur le respect des engagements souscrits, il est possible de soumettre au Conseil des participations de l’Etat (CPE) l’option de l’achat du reliquat des actions», note l’article. En cas d’approbation par le CPE, la concession se fait selon le prix convenu dans la charte des partenaires ou celui fixé par le CPE, précise le même article. Une autre précision tardive: le ministre a insisté sur le fait que «les étrangers n’ont pas le droit de prendre part à cette ouverture du capital». «Toute ouverture du capital ne peut se faire sans l’accord du CPE qui est présidé par le Premier ministre et composé d’une dizaine de ministres», a-t-il fait savoir. Le ministre qui n’écarte pas le recours à l’endettement extérieur a indiqué que «le gouvernement mise sur le financement interne des projets. Nous voulons éviter le recours à l’endettement extérieur abusif».
Selon le ministre, la fiscalité ordinaire couvre 60% des dépenses de gestion et 110% des dépenses de la masse salariale. Tout en reconnaissant la menace que fait peser la chute des cours des hydrocarbures sur les équilibres financiers du pays, il estime que le gouvernement se devait d’agir et prendre des mesures audacieuses sans toutefois abandonner les couches sociales les plus défavorisées.
C’est dans le cadre de cette nouvelle orientation économique du pays que «le gouvernement a tranché en faveur d’une augmentation raisonnable sur les prix de l’électricité et des carburants», a-t-il ajouté. En tout état de cause, les membres de la chambre haute du Parlement n’ont finalement pas donné de la voix comme leurs pairs députés lors des débats autour de la loi de finances 2016. En attendant l’intervention de Zohra Drif-Bitat qui a critiqué ouvertement ce texte de loi, les membres du Conseil de la nation issus du FLN et RND, ont accusé l’opposition parlementaire de nager dans des eaux troubles, tout en s’offusquant que ce projet puisse aboutir à l’appauvrissement du peuple et mener le pays vers la faillite. El Hachemi Djiar, ancien ministre de la Jeunesse et des Sports et sénateur du tiers présidentiel, a fustigé les déclarations de l’opposition affirmant la déliquescence et la paralysie totale des institutions de l’ Etat.
«Les institutions de l’État ne sont ni en hibernation ni paralysées. Il faut que cessent ces attaques», dit-il. Le sénateur du FFS, Moussa Tamadartaza, a souligné l’absence de toute stratégie dans la démarche économique du gouvernement, dont l’unique vision se borne à des mesures conjoncturelles introduites dans des lois de finances et la loi de finances complémentaire. Ce sénateur, dont le parti a fait faux bond à l’opposition parlementaire soupçonnée d’avoir une vision politique qui ne converge pas avec celle du FFS, a indiqué que le gouvernement n’a tiré aucun renseignement de la crise pétrolière de 1986.
«L’intégration nationale ne peut pas constituer un prétexte à l’accaparement des centres de décisions économiques et politiques de l’ Etat et de faire payer la facture des errements politiques aux citoyens», a-t-il soutenu. Pour ce sénateur, «les dispositions de l’article 71 de ladite loi, visent à confisquer les prérogatives du Parlement au profit de l’Exécutif au grand mépris de la séparation des pouvoirs».
Le projet de loi sera adopté demain.