Avez-vous déjà entendu parler de la Wazi’a, cette tradition algérienne de solidarité ?

Avez-vous déjà entendu parler de la Wazi’a, cette tradition algérienne de solidarité ?

Parmi les traditions ancestrales qui ont traversé les âges en Algérie, la « Wazi’a », ou « Thimchrat » en langue amazighe, occupe une place centrale dans la vie communautaire de nombreuses régions, notamment en Kabylie, dans les Aurès et d’autres zones rurales du pays. 

Ce rituel de partage, profondément ancré dans la culture amazighe, remonte à plus de 3 000 ans et demeure un symbole fort de solidarité et de cohésion sociale.

Qu’est-ce que la Wazi’a ?

La Wazi’a se déroule généralement dans les villages où les habitants, qu’ils soient riches ou modestes, collectent de l’argent pour acheter des bœufs, des vaches ou des moutons. Une fois les bêtes abattues, la viande est distribuée équitablement à toutes les familles, y compris aux plus démunies, sans distinction sociale. 

Cet acte de générosité vise non seulement à nourrir la communauté, mais aussi à renforcer les liens entre les habitants et à assurer une justice sociale au sein du village.

Un héritage amazigh pérennisé par l’islam

Bien que la Wazi’a trouve ses racines dans les pratiques préislamiques des peuples amazighs, l’arrivée de l’islam en Afrique du Nord a renforcé et purifié cette tradition en l’intégrant aux valeurs de charité et d’entraide prônées par la religion. 

Aujourd’hui, la Wazi’a est étroitement liée aux grandes fêtes religieuses telles que le Ramadan, Aïd el-Fitr, Achoura et le Mawlid Nabawi. Dans certaines régions, elle marque aussi des événements agricoles majeurs comme la moisson ou la récolte des olives.

Dans la région de Tizi-Ouzou, par exemple, le village de Talbent perpétue cette tradition chaque année le 7 juillet, en la considérant comme un présage de prospérité pour l’année agricole à venir. 

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Outre la distribution de viande, les villageois organisent souvent des campagnes de nettoyage et de préservation de l’environnement, témoignant de la conscience écologique des communautés rurales.

Au-delà de son aspect festif et communautaire, la Wazi’a joue un rôle fondamental dans le maintien de la cohésion sociale. Dans certaines localités, elle devient un espace de réconciliation où les conflits interpersonnels ou entre villages sont résolus dans un esprit de fraternité. 

L’historien et spécialiste du patrimoine amazigh, Dr. Mohand Arzqi Ferad, souligne que la Wazi’a, autrefois perçue comme une pratique païenne, s’est transformée en un puissant levier de solidarité et de justice sociale sous l’influence des valeurs islamiques.

Cette tradition risque-t-elle de disparaître ?

Si la Wazi’a demeure vivace dans certaines régions rurales, son maintien est aujourd’hui confronté à plusieurs défis, notamment l’urbanisation croissante et les mutations socio-économiques. 

Toutefois, la flambée des prix et l’augmentation des inégalités sociales ont récemment ravivé cet élan de solidarité. En période de crise, de nombreuses communautés redécouvrent l’importance de ce partage collectif, particulièrement en période de Ramadan où les besoins des familles modestes se font plus pressants.

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En dépit des changements sociétaux, la Wazi’a demeure un symbole fort de l’identité algérienne. Pour les défenseurs du patrimoine, il est essentiel de préserver et de transmettre cette tradition aux générations futures afin de sauvegarder son rôle unificateur et son esprit d’entraide. Dans le but de le faire, pourquoi ne pas envisager son inscription au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO ?

Plus qu’un simple partage de viande, la Wazi’a est une célébration de la fraternité, du respect et du vivre-ensemble, des valeurs essentielles à toute société solidaire et résiliente.