Tricher en plein examen est devenu, ces dernières années, une pratique courante. Les candidats sont à l’affût de la moindre technique ou astuce tout en veillant à ne pas se faire prendre la main dans le sac.
L’examen du baccalauréat ne déroge pas à la règle.
Lors d’une tournée effectuée dans des centres d’examen de la capitale, nous avons pu constater que le dispositif de surveillance diffère d’un lycée à un autre.
Pour le lycée Mohamed-Boudiaf de Dar El-Beïda, les choses ne sont pas faites à moitié. Pour preuve, une grande salle fermée à clé a été réservée aux candidats afin qu’ils puissent déposer leurs affaires et téléphones portables. Un agent de la sécurité a assuré que tous les candidats laissaient leurs affaires à l’intérieur de cette salle.
“Ceux qui préfèrent garder leur téléphone mobile sont obligés de l’éteindre et de le laisser chez les surveillants”, nous explique encore l’agent de sécurité. À Bab El-Oued, plus précisément au lycée Émir-Abdelkader, nous avons pu accoster certains candidats qui venaient de sortir de l’épreuve de mathématiques. À la question de savoir si le dispositif mis en place était rigoureux, la réponse était mitigée même si certains d’entre eux n’ont pas caché leurs intentions de recourir au copiage si l’occasion s’y prêtait.
Les candidats risquent le tout pour le tout pour réussir
En revanche, un groupe de candidats discutait des réponses que chacun d’eux a données aux multiples épreuves. “Pourquoi tu ne m’as pas dit que mon graphe était faux ?” a reproché un candidat à son camarade. “Je t’ai montré mon graphe et même le tableau, c’est toi qui n’as pas prêté attention”, lui répond-il.
À notre question de savoir si c’était possible de copier et quels étaient les moyens utilisés, les élèves se sont tous accordés à dire que tout dépendait des surveillants.
“Certains surveillants sont laxistes et parfois même complices avec nous, mais il y en a d’autres qui sont sévères, ils guettent les moindres faits et gestes”, nous raconte une candidate. Et d’ajouter : “Bien que certains surveillants soient impitoyables, cela ne nous empêche pas de tenter notre chance.”
D’autres candidats du lycée Émir-Abdelkader affirment que la surveillance n’est pas draconienne et qu’ils ont le droit de garder leur téléphone portable. “Durant toute la durée de l’épreuve, j’avais mon portable allumé sur moi. Le surveillant le savait, il m’a même accusé de l’avoir utilisé, mais sans plus. Personne ne nous a fouillés ; si j’avais voulu copier en utilisant mon téléphone, cela aurait été facile”, a reconnu un autre élève. Son amie l’interpelle : “T’es fou, si l’on t’attrape en flagrant délit, tu seras interdit de l’examen pendant cinq ans ! Je préfère rater le bac que de ne pas le passer pendant cinq ans. C’est trop risqué.”
Et d’ajouter en évoquant le cas d’une voisine qui a eu son diplôme en procédant à la triche : “J’ai une voisine qui a eu son bac avec mention grâce au portable. Elle porte le foulard et elle l’a exploité en mettant le kit mains libres. Grâce à ce procédé, elle a pu rester en contact avec ses enseignants qui lui ont dicté les bonnes réponses.”
Des candidats reconnaissent que grâce aux nouvelles technologies, la triche est beaucoup plus accessible. Mais la crainte d’être démasqués les décourage. “Après la catastrophe de cette matinée, ce sera quitte ou double. Je vais photographier tous les cours sur mon portable”, jure un autre candidat.
“La triche permet de monter les échelons”
Tous les moyens sont bons pour obtenir de bonnes notes. Antisèche, échange de brouillons, le tour de l’élastique, l’écriture sur les murs, les règles et les calculatrices sont, certes, des techniques anciennes pour tricher, mais qui semblent toujours d’actualité pour nos candidats.
Ces étudiants ne reculent désormais devant rien pour “réussir” aux examens. Si, auparavant, les élèves de terminale se préparent une année à l’avance pour réviser leurs cours afin d’assurer les épreuves le jour J, ce n’est malheureusement pas le cas maintenant.
Même s’il reste une bonne majorité d’élèves corrects qui demeurent attachés à l’honnêteté intellectuelle, une nouvelle culture qui semble découler de l’instinct du gain facile est adoptée par un certain nombre de candidats au bac. Lors d’une virée au lycée Bahia-Houdir de Gué-de-Constantine, plusieurs groupes de lycéens discutaient du sujet de mathématiques, qui a eu lieu hier de 9 heures à 11h30.
Trois candidats qui passent leur bac filière gestion viennent de sortir de la salle d’examen et semblaient très stressés par le sujet. “Franchement, j’ai bien travaillé dans les deux premiers exercices, mais le troisième était plus difficile”, s’est confié l’un d’eux sur un ton de déception. Chose incroyable, dès la fin de son témoignage, son camarade l’interrompt pour lui suggérer d’autres moyens de réussite.
“C’est vrai, tu prendras des risques mais en obtenant de bonnes notes cela te soulagera. J’ai un petit peu triché sur la troisième question et cela m’aidera pour la note”, lui propose son camarade en faisant allusion à des techniques de triche, comme l’utilisation du kit mains libres pour les filles voilées, écrire les réponses entre les doigts et des stylos munis de calendriers.
Un deuxième groupe de jeunes se tenait de l’autre côté de la cour, mais contrairement au précédent, ils ne parlaient pas des lacunes survenues lors du premier examen, mais préparaient déjà les astuces à utiliser durant l’épreuve d’histoire-géographie qui a eu lieu dans l’après-midi d’hier. Parmi eux, le “roi de la triche”. Sa devise est simple : “La triche permet de monter les échelons.
” Convaincu de ses capacités et de ses techniques, très fier des résultats obtenus jusque-là, le jeune lycéen déclare à ses camarades : “Depuis la 1re année primaire je triche, et pour ces examens, c’est de la tarte.
” En effet, depuis le premier jour, le candidat a déplacé les tables et s’est mis à côté d’un bon élève. “C’est facile, je me suis entendu avec lui, il exhibe son brouillon et je n’ai qu’à recopier les réponses”, a-t-il dit.
Il conspirait avec deux camarades sur la technique de l’après-midi qui consiste à “écrire les réponses sur une fiche cartonnée et l’accrocher au cou comme un collier sous le tee-shirt”.
Sans crainte de se faire prendre par les surveillants et d’être suspendus pendant cinq ans, les candidats rencontrés affirment à l’unanimité que la triche est devenue un “devoir”, et leurs modèles sont les universitaires qui usent de moyens plus performants pour réussir leur cursus.
“Ma sœur est étudiante à l’université, elle m’a montré plusieurs astuces de triche, mais je n’ai pas osé de crainte de me faire choper. Par contre, j’ai mes propres méthodes”, a confié une candidate.
Djazia Safta/Hana Menasria