Les politiques budgétaires austères sont-elles de retour ? La question mérite d’être posée car la baisse que connait le budget d’équipement est significative. C’est en tout cas l’un des messages essentiels de l’avant-projet de loi de finances 2020, débattu mercredi dernier en conseil du gouvernement.
Depuis les baisses consécutives de 2016 et de 2017 qui ont touché les dépenses d’investissements avec, respectivement, des taux de 16% et 28%, le budget dédié à l’équipement a connu, ensuite, des hausses durant les exercices 2018 et 2019, dans une tentative de faire repartir une croissance qui a beaucoup souffert des précédentes coupes. Les deux années d’austérité, 2016 et 2017 se sont traduites, faut-il le rappeler, par de sévères contrecoups qui ont affecté essentiellement les entreprises, les secteurs qui captent l’essentiel de la commande publique ainsi que le front de l’emploi.
Cette nouvelle baisse, décidée au titre des arbitrages budgétaires pour 2020, remet au goût du jour les politiques d’austérité de 2016 et de 2017 et fait craindre une aggravation du coût social de la crise, alors que l’économie souffre déjà d’une conjoncture politique peu propice à l’entrepreneuriat et l’investissement. En 2020, les dépenses publiques devront connaître une baisse de 9,2 %, due à la baisse des dépenses de fonctionnement (1,2 %) et des dépenses d’équipement (20,1 %), et ce «après les opérations de régulation et d’encadrement des dépenses de l’Etat». Il est vrai que la situation financière interne et externe suppose que l’on décrète la vigilance budgétaire maximale, mais de telles coupes dans les dépenses d’équipement pourraient se révéler contreproductives, étant donné que cette baisse arrive à un moment où l’investissement connaît un important recul, alors que le taux de chômage a fortement rebondi, touchant essentiellement les catégories jeunes (30%). Dans un pays comme l’Algérie, où l’investissement public est au cœur de toutes les politiques économiques, des coupes dans le budget d’équipement auront inévitablement des conséquences sur la croissance, étant donné que l’investissement public reste le principal moteur de la croissance dans le pays. D’autant plus que l’investissement privé est en recul ces derniers mois, pénalisé à la fois par une conjoncture financière difficile et l’incertitude politique. Dans une période aussi difficile, procéder à des coupes budgétaires dans l’investissement serait risqué même si cela se justifie par la volonté de réduire les déficits. A défaut de pouvoir couper dans le budget de fonctionnement, étant incompressible, notamment dans sa partie salaires, le gouvernement fait ainsi le choix de l’austérité en réduisant le budget d’équipement de plus de 20%. L’Algérie pourrait ainsi être rattrapée par un sévère ralentissement économique, alors que la résilience de son économie a été fragilisée ces dernières années par des moteurs internes en souffrance : l’investissement des entreprises en baisse, hausse du chômage, une consommation qui recule sous l’effet de l’érosion du pouvoir d’achat, une industrie qui fonctionne au ralenti…etc. La décision de remettre la planche à billets dans ses cartons pourrait à son tour compliquer un peu plus l’équation budgétaire du gouvernement, étant donné que ce moyen de financement permettait à nombre d’institutions financières et non financières de subsister, dont les banques, la Caisse nationale des retraites, certaines entreprises publiques fonctionnant sous perfusion financière permanente de l’Etat…etc. S’il est vrai que la dette publique a fortement grimpé depuis l’adoption, en octobre 2017, de la planche à billets comme moyen de financement, elle aura, néanmoins, permis à l’Etat de solder ses comptes avec nombre d’entreprises, de sauver quelques banques d’une faillite quasi-certaine, de financer certains projets d’équipement, de permettre au Fonds national d’investissement d’intervenir dans la sphère économique publique.
Certains économistes vont jusqu’à s’interroger sur le comment l’Etat va devoir affronter les besoins budgétaires avec la décision de cesser le recours au financement non conventionnel. La dette publique pourrait stagner en 2020, mais le déficit budgétaire pourrait grimper, étant donné que la planche à billets servait jusqu’ici de parechoc après le tarissement des avoirs du Fonds de régulation des recettes (FRR). L’investissement public pourrait aussi en pâtir, car financé en partie par la planche à billets. La perspective d’un recul de la croissance pourrait se révéler ainsi inévitable