Les banques demandent simultanément aux opérateurs qui se trouvent dans la sphère de l’informel de régulariser leurs situations moyennant un versement forfaitaire de 7% du montant déposé, et conditionnent ce versement par la justification de l’origine des fonds, alors que celle-ci est connue et se trouve au coeur du problème, c’est l’informel.
Décidément, l’opération de bancarisation de l’argent de l’informel qui se prolonge jusqu’au mois de décembre 2016, croule sous le poids de l’inefficacité et de l’échec. En plus du constat d’un engouement plus que timide, et d’un bilan de bancarisation dérisoire ne dépassant pas les 3,5 milliards de dinars au terme d’un trimestre, cette opération se trouve lestée par l’instruction d’obligation de justification de l’origine des fonds à déposer.
Pour les responsables de banques que nous avons contactés, il ne fait pas l’ombre d’un doute que cette instruction soit en pleine contradiction avec le programme de conformité fiscale volontaire. Ils expliquent que le rôle premier de la banque est de drainer des ressources et d’établir surtout une traçabilité des fonds. A ce stade, l’interrogation sur le bien-fondé de cette opération demeure plus que vive. Et pour cause, les banques demandent simultanément aux opérateurs qui se trouvent dans la sphère de l’informel de régulariser leur situation moyennant un versement forfaitaire de 7% du montant déposé, et conditionnent ce versement par la justification de l’origine des fonds, alors que celle-ci est connue et se trouve au coeur du problème, c’est l’informel.
A ce titre, l’économiste Yacine Ould Moussa explique «que le rôle de la banque n’est pas de jouer au policier, c’est aux autres organismes de le faire, notamment l’administration fiscale et des douanes. Par ailleurs, il aurait été plus judicieux pour la bancarisation de l’argent de l’informel de procéder sur deux fronts. Une mesure incitative qui consisterait à favoriser les opérateurs activant dans des domaines prioritaires, stratégiques qui s’inscrivent dans le développement et la diversification de l’économie nationale, à travers la création d’emploi, de richesse, et l’intégration intersectorielle.
Pour ceux-là, il faut une amnistie fiscale qui s’étendrait sur une période de cinq ans, où une exonération des taxes classiques est observée, à savoir, la TVA, l’IBS et les droits de douanes, jusqu’ à ce qu’ils atteignent le statut d’opérateur citoyen. D’un autre côté, il est nécessaire d’instaurer une mesure répressive pour les opérateurs qui ne s’inscrivent pas dans cette orientation, et qui ne tendent qu’ à profiter de cette occasion pour faire peau neuve et retourner à leurs activités improductives d’importations superflues» et d’ajouter «on ne peut parler de bancarisation de l’argent de l’informel en l’absence d’une économie réelle, où l’activité des marchés de gros, et la distribution sont organisées et réglementées, où la relation entre les grossistes et les importateurs est transparente, et où les marchandises arrivées aux ports répondent à un système de traçabilité. La bancarisation de l’argent de l’informel doit être au service du développement de l’économie».
Pour les observateurs, l’opération de bancarisation de l’argent de l’informel sera toujours vouée à l’échec, tant que les relais de l’activité informelle ne seront pas éradiqués. Ils estiment que procéder à la récupération de cette manne qu’au seul niveau des banques, est une grave erreur. Et pour cause, les supports de cette activité, a savoir, la bureaucratie, la corruption, les passe-droits, et les fausses déclarations sont toujours monnaie courante sur le terrain. Par ailleurs, il est difficile d’affirmer avec certitude que la masse récupéré à travers la taxe de 07% et qui représente 93% des fonds recueillis, parte réellement au compte des investissements. En somme, il va sans dire que cette opération doit être accompagnée par une réelle campagne d’assainissement impliquant l’action répressive des services de douanes, de police, de gendarmerie, et de l’administration fiscale. A cela une réforme du système bancaire et monétaire s’avère plus qu’indispensable.