Bangkok était mercredi soir une capitale en flammes, théâtre de violences de rues que le gouvernement avait beaucoup de mal à contrôler, après un assaut de l’armée sur le camp retranché des « chemises rouges », qui a fait au moins six morts, et la reddition des leaders contestataires.
La Bourse de Bangkok, plusieurs centres commerciaux dont l’immense Central World et ses boutiques de luxe, des banques ainsi que les locaux d’une chaîne de télévision avec 100 personnes à l’intérieur, étaient en feu, selon les pompiers.
Des responsables militaires ont indiqué à l’AFP qu’un hélicoptère avait été envoyé pour tenter d’aider le personnel de la chaîne à échapper aux flammes.
Des colonnes de fumées, provenant aussi de nombreux pneus incendiés, se dégageaient au-dessus de la capitale thaïlandaise, où l’armée a annoncé l’imposition d’un couvre feu de 20H00 mercredi soir (13H00 GMT) à 06H00.
Le gouvernement a reconnu que certaines parties de la ville n’étaient pas sous contrôle, alors que l’armée annonçait qu’elle allait « s’occuper de ceux qui provoquent des troubles ».
« Cette nuit sera une nouvelle nuit de souffrances », a déclaré le porte-parole du gouvernement Panitan Wattanayagorn. Toutes les chaînes de télévision sont désormais alimentées de programmes sous contrôle du gouvernement.
Une unité d’élite de la police a été autorisée à tirer à vue sur les pillards ou émeutiers.
Les violences ont également gagné le nord-est du pays, dont sont originaires nombre de « chemises rouges ». Des milliers de manifestants ont ainsi incendié le siège du gouvernement de la province d’Udon Thani, selon le gouverneur Amnat Pagarat, qui a assuré que l’armée avait repris le contrôle.
C’est tôt le matin que les opérations avaient commencé, l’armée envoyant des blindés et des centaines de soldats pour mettre un terme à l’occupation par les « rouges » d’un quartier touristique et commercial huppé de la capitale.
Après deux mois de manifestations d’abord pacifiques puis émaillées d’incidents violents et plusieurs séances de négociations sans résultat, les militaires ont neutralisé la zone en quelques heures, au milieu d’échanges de tirs d’armes automatiques et de grenades, forçant les cadres du mouvement antigouvernemental à renoncer.
Six personnes ont été tuées lors des opérations, dont un journaliste italien touché par une balle dans l’abdomen, selon la police. Un total de 58 personnes ont été blessées dont au moins deux autres reporters, un Néerlandais et un Canadien.
Les leaders des manifestants, qui réclamaient la démission du Premier ministre Abhisit Vejjajiva, ont annoncé peu après 13H00 qu’ils allaient se rendre aux autorités, dans une intervention chargée d’émotion sur la scène située au milieu de la zone rouge.
« Moi et mes compagnons allons nous rendre au Bureau de la police nationale. Je sais que vous souffrez. Certains d’entre vous sont sans voix. Mais nous ne voulons pas plus de morts », a déclaré Jatuporn Prompan, en larmes.
« Nous allons échanger notre liberté contre votre sécurité. Nous avons fait tout ce que nous pouvions (…). Je demande à tout le monde de rentrer chez soi, a renchérit Nattawut Saikuar.
Au moins un des leaders s’est enfui. D’autres se sont rendus à la police, alors que les manifestants se dirigeaient vers les sorties du camp retranché.
L’émotion avait été très vive toute la matinée dans le camp où, au moment de l’assaut, des chanteurs avaient entonné des chants de lutte. Une banderole « Arrêtez de tuer le peuple » avait été accrochée à proximité de la scène.
Les autorités avaient mis fin dans la nuit aux perspectives de reprise des négociations, que des sénateurs avaient tenté de relancer jusqu’à la dernière minute.
Mais les dernières négociations officielles avaient été rompues il y a une semaine, lorsque le Premier ministre avait annulé sa proposition d’organiser des élections anticipées à la mi-novembre, exaspéré par les exigences sans cesse plus élevées des « rouges ».
Des affrontements violents avaient déjà fait 39 morts et 300 blessés entre jeudi soir et lundi. Depuis le début de la crise à la mi-mars, 74 personnes ont été tuées et plus de 1.700 blessées.