Le Barrage vert, considéré comme un « rempart » à l’avancée du désert, est l’un des plus ambitieux projets agroécologiques jamais mis en oeuvre en Afrique et l’un des plus ambitieux realisé par l’Algérie durant ses cinquante années d’indépendance.
Cette ceinture verte vise à stopper l’avancée du désert vers le Nord en créant une véritable barrière de verdure reliant les frontières algériennes ouest aux frontières est sur une longueur de 1.500 km.
Historiquement, le renouvellement du patrimoine forestier qui a subi de graves dommages durant la guerre de libération du fait des bombardements de l’aviation de l’armée d’occupation, constituait l’une des priorités pour l’Algérie indépendante.
Ces préoccupations ont alors conduit les autorités de l’époque à élaborer, dés 1968, quatre projets de reboisement déployés en amont des forêts naturelles de pins d’Alep, dans les monts des Ouled-Nail (région de Djelfa).
Consciente des effets graves engendrés par la désertification qui risquait d’affecter le développement économique et social, ainsi que son indépendance alimentaire, l’Algérie décide d’entamer un vaste programme de lutte contre la désertification.
C’est ainsi que le président Houari Boumediene annonçait en 1970, la mise en place du projet du « Barrage vert ». De conception essentiellement forestière dans sa première formulation, il visait le reboisement de trois millions d’hectares. Cette conception a été revue en 1982, et l’objectif fondamental devenait alors le rétablissement de l’équilibre écologique par une exploitation rationnelle des ressources naturelles.
Il s’agissait en fait d’une approche intégrée visant à concilier d’une part la satisfaction des besoins des populations et d’autre part la restauration et l’amélioration du potentiel productif des terres. La finalité était la promotion économique et sociale des populations.
Le programme avait pour but de protéger et d’améliorer le patrimoine végétal, de reconstituer les peuplements forestiers disparus, de lutter contre l’ensablement et la fixation des dunes et de mobiliser les ressources hydriques superficielles et souterraines. Il visait en outre la résorption du chômage sans cesse croissant dans ces zones. Les actions se sont ainsi élargies à plusieurs volets créatifs d’emplois et comprenaient notamment les régions de Djelfa, M’sila, Batna, Khenchela, Tébessa, Naâma, Laghouat et El-Bayadh. Le Barrage vert, dont la réalisation avait été confiée aux jeunes du service national, a connu trois grandes étapes.
De 1970 à 1980, les travaux de réalisation se limitaient aux opérations de plantations et d’infrastructures. Cette période était marquée par la monoculture du pin d’Alep. Le taux de réussite était assez modeste compte tenu des conditions écologiques locales peu favorables et à l’indisponibilité d’études susceptibles de préconiser les techniques et les espèces adaptées à la mise en oeuvre du projet.
De 1981 à 1990, les lacunes ont été progressivement surmontées et des améliorations ont été apportées. Durant cette phase, les opérations étaient prises en charge conjointement par les services des forêts et les appelés du service national, la provenance des semences était mieux maîtrisée et les essences de plants ont été diversifiées par l’introduction d’une quinzaine d’espèces locales ou exotiques, notamment le Cyprès vert, le Cyprès d’Arizona, le Févier d’Amérique, ou l’Acacia.
La troisième étape, de 1990 à 1993, a été marquée, par le désengagement des unités de réalisation de l’armée nationale populaire. Les services des forêts avaient pris le relais et toutes les mesures nécessaires pour poursuivre le programme. En 1994, un programme de grands travaux a été lancé, pour dynamiser davantage la prise en charge du barrage, à travers notamment la protection du patrimoine forestier, et le renforcement des infrastructures.
En matière de reboisement, les plantations couvrent une superficie de plus de 265.000 hectares, un bilan soutenu par le rythme des réalisations inscrites au Plan national de reboisement (PNR) lancé en 2000. Les plantations pastorales qui couvrent une superficie de plus 37.000 hectares visent à améliorer la productivité des parcours et par conséquent, de réduire la pression du cheptel animalier troupeau sur les massifs forestiers et les nouvelles plantations.
Les principales espèces utilisées sont l’Atriplex, l’Opuntia, l’Acacia et le Caroubier. Plus de 17.000 hectares ont été également réalisés dans le cadre de l’introduction de l’arboriculture fruitière rustique pour augmenter et diversifier les sources de revenus des populations.
De plus, 7.500 hectares de dunes ont été fixés par l’introduction de diverses espèces. Le barrage vert a ainsi contribué « très sensiblement » à l’amélioration des conditions de vie des populations riveraines évaluées à 7 millions d’habitants au niveau de la steppe
Toutefois, plusieurs carences ont été enregistrées dont les effets de de la chenille processionnaire sur 100.000 hectares et les dépérissements sur pied des plantations sur sols à croûte calcaire. Ces contraintes découlent du mauvais choix (des graines, espèces, du transport des plants, des techniques de plantation…etc.). Cependant, les taux de réussite qui dépassaient les 50% en fonction des régions, sont jugés « satisfaisants ». La wilaya de Khenchela ayant enregistré un taux de 80%. Le Barrage vert reste par ailleurs soumis à des contraintes dont la sécheresse prolongée, les pacages sauvages, les maladies, les coupes illicites et la nature juridique des terrains.
L’expérience algérienne à travers le Barrage vert devrait par ailleurs être mis a profit par plusieurs pays africains dans le cadre du projet, à l’échelle du continent, de la Grande muraille verte africaine (GMV) pour lutter contre la désertification.