Par Akram Belkaïd
Il y a quelques mois, cette chronique abordait l’actualité boursière souvent tumultueuse des grands groupes miniers et notamment aurifères (1). Il s’agissait, pour un montant de 5,4 milliards de dollars, de la fusion, par échange d’actions, entre le canadien Barrick Gold et le britannique Randgold en une seule compagnie pesant alors 18 milliards de dollars (aujourd’hui, Barrick Gold pèse près de 23 milliards de dollars à la Bourse de New York).
L’opération avait conforté Barrick dans sa position de premier groupe mondial dans le secteur de l’or mais c’était sans compter les manœuvres stratégiques de ses rivaux. L’un d’eux surtout intéressait les marchés et les observateurs. Il s’agissait du groupe américain NewmontMining, premier rival de Barrick avec lequel une fusion avait capoté au dernier moment en 2014 pour des raisons encore ignorées mais que l’on met souvent sur le compte de l’absence d’accord sur la répartition des postes entre dirigeants des deux sociétés.
Garder le leadership
Pour éviter d’être avalé par Barrick et pour faire plaisir aux marchés en menant une opération de croissance externe, Newmont vient donc de racheter Goldcorp pour un montant (en actions) de 10 milliards de dollars. De quoi le faire «grossir» et devenir difficilement «digérable» par Barrick ? Pas si sûr. Car dans l’actualité boursière, il n’y a pas que les retours sur investissement, les valorisations ou le ratio bénéfice par action qui comptent. L’ego et les intérêts personnels des dirigeants pèsent aussi. Et ceux qui sont à la tête de Barrick refusent de voir leur groupe passer au second rang derrière Newmont. Pour eux, il n’y a pas mille solutions pour empêcher le mariage Newmont-Goldcorp de bouleverser la hiérarchie des groupes miniers.
C’est donc ainsi que Barrick vient officiellement de lancer une Offre publique d’achat (OPA) sur Newmont. Comme c’est souvent le cas dans le secteur minier, l’opération, si elle se fait, porte sur un échange d’actions qui valorisent le groupe américain à 19 milliards de dollars.
Au total, et toujours dans l’hypothèse où le mariage se réalise, on assistera à la naissance d’un géant de l’or (et d’autres métaux dont le cuivre) pesant 40 milliards de dollars. Les actionnaires de Barrick détiendraient alors environ 55,9% de la société fusionnée, le solde revenant aux actionnaires actuels de Newmont. Mais rien n’est encore joué car le groupe américain ne veut pas entendre parler de cette union. L’un de ses dirigeants a même qualifié l’offre de Barrick de «tentative bizarre et désespérée».
Opa hostile
L’Opa de Barrick sur Newmont est donc hostile puisqu’elle ne résulte pas d’un accord ou de négociations préalables. C’est un peu le retour aux années 1980-2000 quand le fonctionnement des marchés était moins policé (du moins en surface).
Pour la presse économique et financière, ce genre de bagarre est une bénédiction car les protagonistes sont dans l’obligation de communiquer pour faire entendre leurs arguments et convaincre les actionnaires, petits et grands, du bien-fondé de leur position. D’assemblées générales en conférences de presse, l’actualité boursière fera une part belle à cette bagarre dont l’issue demeure incertaine.