Benjamin Stora : « C’est la Régence d’Alger qui a prêté de l’argent à la France »

Benjamin Stora : « C’est la Régence d’Alger qui a prêté de l’argent à la France »

Les propos tenus par Éric Zemmour lors d’un entretien sur BFMTV, le jeudi 6 février, ont une fois de plus ravivé les tensions autour de la mémoire coloniale franco-algérienne. L’ancien candidat à l’élection présidentielle française a qualifié l’Algérie d’avant la colonisation française de « cloaque », affirmant que les Algériens devraient être « reconnaissants » pour les infrastructures construites par la France.

Ces déclarations, perçues comme une négation des souffrances endurées par le peuple algérien, ont suscité une vive indignation, notamment de la part de la militante décoloniale Rima Hassan et de l’historien Benjamin Stora.

Dans une réponse argumentée, Benjamin Stora a rappelé un épisode méconnu mais crucial de l’histoire franco-algérienne : la Régence d’Alger, bien loin d’être un « cloaque », était une entité politique et économique organisée. « C’est la Régence d’Alger qui a prêté de l’argent à la France, qui en avait besoin, au moment de la révolution française. », a-t-il souligné.

Ce détail historique, souvent occulté, montre que l’Algérie précoloniale était une puissance régionale capable de soutenir financièrement une France en crise.

Stora a également rappelé que c’est le refus de la France de rembourser cette dette qui a conduit à l’incident du « coup d’éventail » en 1827, lorsque le Dey d’Alger frappa le consul français avec un éventail.

🟢 À LIRE AUSSI : Les Algériens n’iront plus se soigner en France : Tebboune met fin à l’envoi de patients

Cet événement a servi de prétexte à la France pour justifier l’invasion de l’Algérie en 1830. « C’est le refus du remboursement qui a provoqué le coup d’éventail du Dey d’Alger au consul français en 1827 », a expliqué Stora, mettant en lumière les motivations économiques et politiques derrière la colonisation.

Benjamin Stora rétablit la vérité historique

Les propos de Zemmour, qui affirme que la France a « soigné » l’Algérie et n’a « rien à se faire pardonner », sont en totale contradiction avec les réalités historiques. Benjamin Stora, dans ses travaux, a longuement documenté les violences de la colonisation française : massacres, spoliations de terres, répression des cultures locales et exploitation économique. La France n’a pas apporté la « civilisation » à l’Algérie ; elle a imposé un système oppressif qui a dévasté le pays et son peuple.

Stora a également rappelé que la guerre d’Algérie (1954-1962) a été marquée par des atrocités commises par l’armée française, notamment des actes de torture, des exécutions sommaires et des déplacements forcés de populations. Ces crimes, longtemps occultés en France, font partie intégrante de l’histoire coloniale et ne peuvent être effacés par des déclarations simplistes.

Les déclarations de Zemmour minimisent également les crimes commis par la France pendant la colonisation et la guerre d’indépendance algérienne (1954-1962). Rima Hassan, eurodéputée et militante décoloniale, a vivement réagi à ses propos, rappelant que la France a « massacré un tiers de la population algérienne, torturé, assassiné, violé et pillé ». Elle a également souligné l’utilisation du territoire algérien pour des essais nucléaires, laissant des déchets radioactifs dont la durée de vie s’étend sur 24 000 ans.

Ces crimes, loin d’être des épisodes isolés, s’inscrivent dans un système colonial fondé sur l’exploitation, la domination et la déshumanisation des populations locales. La France a imposé un régime d’apartheid économique et social, confisquant les terres, marginalisant les Algériens et réprimant toute velléité de résistance.

Les infrastructures construites par la France, souvent citées comme preuve de sa « mission civilisatrice », étaient avant tout destinées à servir les intérêts des colons et à renforcer leur contrôle sur le territoire.

🟢 À LIRE AUSSI : « La crise franco-algérienne la plus grave depuis l’indépendance », l’historien Benjamin Stora alerte

Face à ces déclarations, Rima Hassan a insisté sur la nécessité pour la France de reconnaître ses responsabilités et d’aller au-delà des simples excuses. « Ce n’est pas seulement des excuses que la France doit à l’Algérie, elle lui doit aussi et surtout une justice compensatoire », a-t-elle déclaré. Cette demande de réparations, qu’elles soient matérielles, financières ou symboliques, est partagée par de nombreux Algériens et descendants de victimes de la colonisation.

Les propos d’Éric Zemmour, bien que médiatiquement provocants, ne résistent pas à l’épreuve des faits historiques. Grâce aux chercheurs et historiens , la vérité sur la colonisation française en Algérie ne peut plus être ignorée.

L’Algérie précoloniale n’était pas un « cloaque », mais une société organisée et prospère. La colonisation, loin d’être une « mission civilisatrice », a été une entreprise de domination et de destruction.