Plusieurs spécialistes des armes chimiques estiment que l’enquête en Syrie des experts de l’Onu, qui se sont rendus lundi sur l’un des sites d’un assaut présumé au gaz neurotoxique, risque d’avoir été entamée trop tard pour trouver des preuves.
Les Etats-Unis ont clairement accusé lundi le président syrien Bachar al Assad d’avoir ordonné un assaut « incontestable » à l’arme chimique mercredi dernier dans des banlieues à l’Est de Damas.
Ralf Trapp, un spécialiste du désarmement qui a collaboré avec l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), basée à La Haye, souligne que les traces de composants chimiques disparaissent en quelques jours de l’urine des victimes, même si elle peut rester plusieurs semaines dans leur sang.
« Il faudrait les recueillir le plus tôt possible après l’incident, de préférence pendant les deux semaines qui suivent l’utilisation présumée (de composants chimiques) », explique-t-il.
La traçabilité des échantillons doit ensuite être assurée de façon très précise, jusqu’à ce qu’il soit transmis à deux ou trois laboratoires situés dans les 20 pays avec qui l’OIAC a signé des accords.
George A. Lopez, ancien conseiller aux Nations Unies, doute de l’utilité de l’enquête et juge que Damas a tout fait pour éviter qu’elle soit concluante, en particulier en continuant à bombarder les zones concernées.
« Cela a accéléré la détérioration et la contamination des composants chimiques nécessaires pour apporter la preuve incontestable de l’utilisation de ce type de gaz », regrette-t-il.
Jean-Pascal Zanders, ancien collaborateur de l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne (IESUE), rappelle néanmoins que le recueil des échantillons n’est pas le seul but de l’enquête, qui a aussi pour but de rencontrer des témoins.
« On est confronté à un nombre très important de personnes qui aurait été affectées par les attaques chimiques », dit-il. « Les gens donneront plusieurs récits, et en comparant ces récits les uns aux autres, on sera peut-être capable d’avoir une idée de ce qui s’est produit. »
Anthony Deutsch, Julien Dury pour le service français