Bilan de la participation algérienne aux JO: que s’est-il passé réellement à RIO? Il faut rendre des comptes!

Bilan de la participation algérienne aux JO: que s’est-il passé réellement à RIO? Il faut rendre des comptes!

Les pavés dans la mare jetés par Larbi Bourrada et Taoufik Makhloufi ont mis à nu les nombreuses carences du staff censé accompagner ces athlètes au plus haut de leur potentiel. Une enquête est plus que nécessaire.

Taoufik Makhloufi, l’arbre qui cache la forêt? La situation est pire, car le vrai drame est qu’il n’y a même pas de forêt, le sport national se révélant dramatiquement sinistré. Nous avions, voici quelques mois, évoqué cette tragédie, avec la disparition depuis les années 1980 de tout une infrastructure, notamment les championnats scolaires et universitaires régionaux et nationaux grâce auxquels se profilaient les élites futures.

Aujourd’hui, nous sommes à l’heure du bilan et «les sourires sont graves», aurait souligné Malek Haddad. Les Jeux olympiques de Rio ont vécu leur cérémonie de clôture, et si pour la plupart des délégations, c’était légitimement la fête, tel n’est pas le cas pour les athlètes algériens. Les pavés dans la mare jetés par Larbi Bourrada et Toufik Makhloufi ont mis à nu les nombreuses carences du staff censé accompagner ces athlètes au plus haut de leur potentiel. Une enquête est plus que nécessaire.

A titre d’exemple, cette interdiction d’accès à l’avion d’Air Algérie subie par l’entraîneur adjoint de Makhloufi est d’une grave indignité! Idem pour l’affaire des cinq voitures consacrées aux athlètes quand Bourrada se trouve forcé de faire du stop pour aller s’oxygéner, après les terribles épreuves du décathlon. Ou la surprenante présence à Rio de l’épouse, de la fille et du gendre du chef de la délégation, M. Brahmia, dont l’argument financier mérite d’être vérifié. En fin de compte, il n’y eut que trois éclairs, par-ci, et une étincelle, par-là, puis ce fut tout. Et les «responsables» d’ «expliquer» que forte de 15 athlètes, l’Algérie a réalisé «la plus importante participation de son histoire aux Jeux olympiques». Il n’empêche, l’athlétisme algérien qui recelait les plus grandes chances de médailles aura connu des fortunes diverses à Rio, oscillant entre satisfaction et déception.

Parmi les grandes satisfactions, il y a cette cinquième place de Larbi Bourrada au décathlon avec à la clé un nouveau record d’Afrique (8 461 pts), soit la cinquième performance mondiale de l’année, malgré son ratage à la perche et à l’épreuve du 400m. Et là, justement, se situe tout le problème. Bourrada a manqué une chance historique d’être sur le podium olympique à cause des «perturbations» qu’il a connues au cours de sa préparation. Immobilisé depuis mars en raison d’une blessure au dos, il n’a pas concouru au moindre décathlon depuis les Championnats du monde de Pékin 2015. Et c’est donc un miracle que ce résultat à Rio, assorti d’un nouveau record d’Afrique et d’une cinquième place dans le gotha mondial du décathlon. Il aura été le premier à pointer du doigt l’attitude suspecte des «responsables du sport national», des accusations soutenues par Taoufik Makhloufi, puis par les entraîneurs réciproques. Le voile est ainsi levé sur les pratiques néfastes qui ont toujours miné ce secteur, depuis des décennies malade de l’emprise de certains clans mafieux qui imposent leur propre loi au détriment de l’intérêt des athlètes et du pays tout entier.

Outre que des intérêts sordides motivent cet état d’esprit et cette stratégie de main basse sur telle ou telle discipline, il y a une exigence d’omerta à laquelle les sportifs de haut niveau sont contraints de se soumettre, faute de quoi ils se re-trouvent en proie à toutes sortes de brimades et de croche-pieds à même de saper le moral des plus endurcis.

Que les directeurs techniques nationaux s’autodélivrent des satisfecit, c’est de bonne guerre. Ils sont là pour voir des bilans toujours positifs même quand les résultats disent le contraire! Si en athlétisme, la chose est d’ailleurs discutable, en judo et surtout en boxe, où l’Algérie a eu, durant des années, de solides arguments, Rio ne sera sûrement pas à marquer d’une pierre blanche. Qui plus est, le pays a les moyens d’assurer à une cinquantaine d’athlètes une préparation de qualité sur une période minimale de deux à trois ans, avec les entraîneurs des pays amis comme Cuba, les Etats membres de l’ex-Yougoslavie et d’autres encore dont les meilleurs spécialistes séjournaient avec joie en Algérie.

Et qu’on ne vienne pas agiter la muleta de la crise économique, le budget du secteur de la jeunesse et des sports n’ayant pas été asséché au point que les résultats des JO s’avèrent aussi catastrophiques. Non, ce qui le serait davantage, c’est que le silence soit de mise après les propos de Bourrada et de Makhloufi et qu’on tire pieusement le rideau sur cette affaire. Des comptes doivent être rendus, un bilan sans complaisance effectué et des sanctions prises pour le bien du sport national. Même, il serait temps de convoquer des états généraux du mouvement sportif et de série, avec toute la rigueur requise, ces maux devant lesquels on a trop longtemps fermé les yeux. C’est la seule manière avec laquelle une relance objective pourra être tentée, encore faut-il que le gouvernement veuille bien s’y attarder. Faute de quoi, Makhloufi aura raison de dire: «Qu’est-ce qu’il y a derrière Makhloufi? rien du tout, rien n’a été fait. On n’a rien fait depuis 2012»…