Une musulmane de 94 ans a été poignardée et des maisons incendiées lors de nouvelles violences mardi dans l’ouest de la Birmanie, alors que le président Thein Sein effectue une visite inédite dans cette région pour se pencher sur les tensions entre bouddhistes et musulmans.
«Une vieille femme a été tuée dans les affrontements et des maisons ont été incendiées» lors de ces violences entre bouddhistes et musulmans, a précisé à l’AFP un responsable de la police.
Ce regain de tension intervient alors que le président Thein Sein effectue depuis mardi une visite inédite dans l’Etat Rakhine, se rendant notamment dans la capitale Sittwe.
Son agenda prévoit un déplacement mercredi plus au sud, à Thandwe, où les violences avaient commencé il y a quelques jours après une dispute entre un bouddhiste et un musulman de la minorité kaman, l’un des groupes ethniques officiellement reconnus par l’Etat.
La violence s’est ensuite étendue aux alentours, jusqu’à devenir meurtrière mardi, quand une foule de «800 Rakhines (bouddhistes) s’est rendue» dans le village où la vieille femme kaman a été tuée, a précisé un autre responsable de la police à l’AFP.
«Ils ont brûlé 18 maisons. Après quoi, la musulmane kaman de 94 ans a été poignardée», a-t-il ajouté.
La présidence n’a pas précisé si Thein Sein se rendrait sur les lieux des violences.
Thein Sein rencontre bouddhistes et musulmans
Le président a comme mission «les violences inter-communautaires» et «rencontrera les autorités et des représentants des deux communautés», bouddhiste et musulmane de la région, a seulement indiqué un responsable de la présidence à l’AFP.
Dans une rare prise de parole, quatre organisations musulmanes birmanes ont interpellé mardi soir le président Thein Sein pour lui demander d’agir au plus vite dans ce dossier. «L’inquiétude de la minorité musulmane à travers le pays est à son comble. Elle ne se sent pas en sécurité», disent ces organisations dans une lettre ouverte au président Thein Sein.
L’Etat Rakhine a été le théâtre en 2012 de deux vagues de violences entre bouddhistes de la minorité ethnique rakhine et musulmans de la minorité apatride des Rohingyas, qui ont fait plus de 200 morts et 140.000 déplacés.
Les émeutes, accompagnées de campagnes menées par des moines bouddhistes radicaux, se sont ensuite propagées à d’autres parties du pays, visant cette fois des musulmans de nationalité birmane, faisant des dizaines de morts depuis le début de l’année.
Ces événements ont mis en lumière une islamophobie latente dans un pays majoritairement bouddhiste qui compte environ 4% de musulmans, et porté une ombre au tableau des réformes du gouvernement qui a succédé à la junte dissoute en mars 2011.
Des défenseurs des droits de l’Homme ont accusé les forces de l’ordre d’inaction, voire de complicité, dans ces violences.
Human Rights Watch a même accusé la Birmanie d’avoir entrepris une «campagne de nettoyage ethnique» contre les Rohingyas, des accusations rejetées par le gouvernement.
Quelque 800.000 Rohingyas, considérés comme faisant partie de l’une des minorités les plus persécutées de la planète, vivent confinés dans le nord de l’Etat Rakhine.
Le groupe de réflexion International Crisis Group a publié mardi un rapport, sous le titre «The dark side of transition: violence against muslims in Myanmar» («La face obscure de la transition : les violences contre les musulmans en Birmanie»).
«Le président Thein Sein a adopté le ton juste, appelant clairement au calme, mettant en garde contre les dangers plus larges des violences et affirmant qu’il y aurait une ‘tolérance zéro’» pour les fauteurs de troubles, écrit-il, tout en appelant à «une réponse gouvernementale efficace».
La communauté internationale a multiplié les appels aux autorités birmanes à régler le problème des violences entre bouddhistes et musulmans.
L’opposante Aung San-Suu Kyi, critiquée pour son silence, a récemment évoqué ce problème lors d’une tournée en Europe. Elle y a rencontré le dalaï-lama, qui a appelé au respect des principes bouddhistes les moines birmans, dont certains auraient incité aux violences.