Le vacarme politique qui explose dans le système amortit dangereusement d’autres déflagrations qui, pour ne pas avoir d’incidence directe sur la guerre des clans, n’en sont pas moins ravageuses pour l’avenir immédiat du pays. Et il n’y a pas que les ressources énergétiques qui sont ciblées.
Nous ne comptons ni parmi les adorateurs de Rabrab ni parmi ses pourfendeurs. Il faut avouer, cependant, que l’argument avancé pour justifier l’exercice du droit de préemption dans l’affaire Michelin par Benyounes, est pour le moins loufoque.
Passons sur le fait qu’en matière de protection du foncier Benyounes n’est pas le personnage le plus indiqué, lui qui a fait saigner le patrimoine du ministère de l’environnement et de la ville ; passons sur l’empressement digne d’un béni oui oui qu’il a manifesté devant Jean Pierre Raffarin à qui il a déroulé le tapis rouge, bradant vulgairement les intérêts de l’Algérie en échange de sordides marchandages politiques.
Le prix de cession du foncier serait sous-évalué selon le ministre itinérant! Depuis quand l’Etat doit-il se soucier des conditions d’une transaction entre deux entités privées s’il n’y a pas soupçon de minorations de valeur aux fins d’évasion fiscale?
On voit mal, en effet, l’intérêt de Michelin à sous-évaluer cette vente quand on sait qu’il va certainement vouloir en transférer le produit en devises sonnantes et trébuchantes. On voit encore moins l’intérêt de l’Etat à relever le prix de cession, sauf à vouloir saigner encore plus les avoirs extérieurs du pays qui, on en convient, n’ont jamais taraudé des dirigeants plus occupés à prélever des commissions sur des opérations économiques de plus en plus opaques.
Ce soudain souci de l’Etat Bouteflika pour la vérité des prix et leur conformité au marché est pour le moins mal venu. On eut souhaité que ce soucil habitât davantage le chef de l’Etat et sa smala lorsque les deux licences de téléphonie mobile ont été bradées à des intérêts étrangers ou lorsque la licence de distribution du tabac a été offerte à des émirs et sheikhs pour une somme symbolique; deux exemples de gabegie qui auront, selon les premières estimations, coûté au Trésor Public au minimum six bonnes dizaines de milliards de dollars US, soit l’équivalent de 50 hôpitaux de classe internationale, d’une autoroute « ghoulienne » et même d’une mosquée pharaonique.
Rebrab n’est pas dans les petits carnets du prince. Après la tribalisation politique de l’Etat, la vampirisation stratégique de ses ressources.
Ali Graïchi