BORDJ BADJI MOKHTAR 10 médecins au secours d’une population délaissée…

BORDJ BADJI MOKHTAR 10 médecins au secours d’une population délaissée…

Les habitants de cette localité, livrés à eux-mêmes, ne savent plus où donner de la tête ni à qui se plaindre du manque de soins et d’une prise en charge sérieuse qui mettrait fin à leurs souffrances.

Une journée au fin fond du désert. Parler du secteur de la santé à Bordj Badji Mokhtar, ville du désert, c’est prêcher dans le désert sans jeu de mots. Un secteur quasiment moribond et totalement abandonné par les praticiens de la santé, publics ou privés soient-ils. Les habitants de cette localité, livrés à eux-mêmes, ne savent plus où donner de la tête ni à qui se plaindre du manque de soins et d’une prise en charge sérieuse qui mettrait fin à leurs souffrances. C’est avec une grande dignité qu’ils font face à leurs déboires et à leur injuste abandon qui fait d’eux une population laissée pour compte, mais qui tient le coup. Se faire soigner dans cette localité du Grand Sud, c’est réussir le parcours du combattant pour avoir un rendez-vous préalable à une simple auscultation auprès d’un médecin généraliste. Pour y arriver, les pauvres malades doivent dans la plupart du temps attendre des jours, voire même des semaines pour obtenir le fameux sésame et non moins précieux rendez-vous…

Deux généralistes pour 70.000 personnes..

Il faut dire qu’en dépit de son statut de wilaya déléguée, Bordj Badji Mokhtar qui compte plus de 70.000 habitants, ne dispose que de deux médecins généralistes. Deux seuls praticiens qui, bien que dépassés par le nombre en nette croissance de malades, se vouent corps et âme à leur noble mission. A Bordj Badji Mokhtar, il ne faut surtout pas tomber malade, car se serait s’exposer à une rapide dégradation de votre état de santé sans que personne ne puisse vous venir en aide… Dans cette ville fantôme tout le monde est exposé aux maladies diverses, mais les plus vulnérables restent sans conteste les vieux, les enfants et les femmes, notamment celles enceintes. Lundi, 17 décembre, à 5 heures du matin, un avion transportant une délégation humanitaire, avec une dizaine de médecins spécialistes à son bord, a décollé d’Alger vers Adrar et de là vers Bordj Badji Mokhtar avec pour mission principale une grande opération d’approche, de proximité et de consultation de larges pans des populations locales.

Conscients de la situation désastreuse dans laquelle baigne le secteur de la santé dans cette partie du pays, lesdits médecins ont consacré une journée pour consulter près de 1500 personnes, dans une polyclinique à l’état d’abandon, désertée en raison du manque de moyens tant humains que matériels. Dépités par l’amère constatation faite quant à la situation du secteur et armés de leur seule motivation et d’une grande générosité dans l’effort personnel, ils se sont voué corps et âmes pour donner un peu de chaleur et de réconfort moral à tous les malades qu’ils ont examinés. Formée de spécialistes en cardiologie, gynécologie, pédiatrie, urologie et d’autres domaines, la délégation en question avait mission d’évaluer, sur tous les plans, la situation sanitaire dans la région.

Les témoignages de ces praticiens de la santé sont effarants tant l’état des lieux très délabré laisse à méditer sur le pourquoi et le comment de la situation. Le constat est sans appel. Même l’endroit ayant servi pour la consultation de centaines de malades qui affluaient des quatre coins de la région est dévasté, en ruine. Un véritable désastre. Tomber malade à Bordj Badji Mokhtar c’est tout simplement mettre un pied dans la tombe.

Témoignages poignants des médecins 

Pour le docteur Beleli, spécialiste en urologie, cette mission vient malheureusement, confirmer un mal bien enraciné au sein d’une population sans protection. Tout commençait par une bonne intention. «Ce voyage était programmé le début de l’année en cours, malheureusement nous n’avons pas pu venir a cause du manque de transport. Y a pas de vol direct, ce qui nous paralyse, et pénalise les malades», regrette le docteur en décrivant l’état sanitaire des malades auscultés.

Inquiétés par la banalisation et l’abandon, ils lancent un cri de détresse. «Nous ne savons plus à qui nous adresser. Il faut savoir que cette région est un carrefour pour les migrants clandestins. Ce qui augmente la possibilité de contamination des maladies dangereuses. Et en manque de moyens, la situation risque de se dégrader», ajoute le même médecin en dénonçant avec force l’épidémie de l’indifférence. «Notre prochaine mission consiste à fournir des consultations en santé pour plus de malades. De vacciner le maximum d’enfants et d’aider des femmes à accoucher dans des meilleures conditions», souligne un autre médecin de la délégation. «Pour les patients qui ont besoin d’un traitement chirurgical en urgence, ils seront pris en charge au niveau de l’hôpital d’Adrar, lors de notre prochaine mission», expliquant, que malheureusement, aucune infrastructure sanitaire décente n’existe dans cette région.

Les malades doivent rouler près de 800km pour arriver à Adrar. Les soins médicaux sont aussi fournis aux personnes venant d’autres pays voisins. «Maladies gastriques, infections respiratoires, douleurs et courbatures généralisées, maladie de la peau, sont les principales pathologies fréquemment rencontrées», témoigne à L’Expression le docteur Beleli. Pour lui, en l’absence d’une prise en charge immédiate, certains cas se compliquent davantage. De son côté, le gynécologue a constaté lors de ses consultations que deux femmes enceintes portaient des foetus morts. Grossesses dans un stade avancé arrêté, sans que les mamans découvrent l’arrêt de leurs grossesses. Les femmes enceintes sont très vulnérables. Leurs situations dégénèrent au cours du parcours de leurs grossesses. «Ça provoque souvent des complications sévères et parfois fatales. La mortalité des femmes est très élevé», indique le même docteur. Sur les centaines de personnes inscrites, certains diagnostics sont critiques. Certains sont dans un état de santé déplorable, mais hélas, ils ne seront pas placés en observation pour effectuer des examens. La crise des médecins résidents, semble, compliquer davantage la situation sanitaire des habitants de cette région. Les médecins refusent d’exercer au Grand Sud. Pour certains, en manque de moyens, les médecins ne peuvent pas faire grand-chose…

Construction de nouvelles infrastructures décentes

Depuis quelques mois, le ministère de la Santé, avait déclaré que de nouveaux acquis pour le secteur de la santé viennent étoffer progressivement les structures de santé et les spécialités médicales dans la wilaya d’Adrar. Il s’agit de la construction d’un nouvel hôpital de 240 lits «Abdelkrim Bouderghouma», dans la nouvelle ville de Tellilen, au Nord d’Adrar.

La tutelle a estimé, dans ce cadre, que cette infrastructure, permettra d’atténuer la pression sur l’hôpital Ibn Sina, au chef-lieu de la wilaya d’Adrar. Aussi, est prévue la réalisation d’un autre hôpital psychiatrique de 120 lits, d’un établissement public hospitalier (EPH) de 120 lits, et d’un centre anticancéreux de 140 lits. On note, qu’une importante enveloppe a été accordée à l’équipement du centre anticancéreux. Un montant de 600 millions DA a, ainsi, été destinée à la mise en oeuvre et l’exploitation partielle de cette structure, dans le domaine de la radiothérapie, pour consolider la chimiothérapie disponible au niveau de certaines structures hospitalières de la wilaya. Les prochains mois seront probablement, marqués par d’autres missions similaires…