Bouhadja refuse de démissionner, les députés déclenchent une “grève” parlementaire – APN: c’est l’impasse

Bouhadja refuse de démissionner, les députés déclenchent une “grève” parlementaire – APN: c’est l’impasse

Si l’on excepte le cas de démission qui demeure un acte volontaire de son auteur, Saïd Bouhadja peut bien rester en poste jusqu’à la fin de la mandature ou jusqu’à une éventuelle dissolution de l’Assemblée.

S’il faut sans doute concéder quelques “vertus” au bras de fer opposant le président de l’Assemblée, Saïd Bouhadja, aux députés qui l’ont “élu”, avant de tourner casaque pour d’“obscures” raisons, c’est assurément d’avoir réussi, malgré lui, à mettre à nu les failles juridiques dans les textes de loi qui organisent le fonctionnement institutionnel et la mainmise de l’Exécutif sur le pouvoir législatif. En effet, en refusant de céder à la demande des députés qui réclament sa tête, le président de l’Assemblée, vieux routier de la politique, probablement instruit des “manœuvres” de ses contempteurs d’aujourd’hui et connaisseur des arcanes du pouvoir, a mis les députés contestataires dans l’embarras et désigné du doigt le “centre de décision” habilité à le démettre. “Il y a deux situations : soit la démission ou le limogeage. Les raisons invoquées par les ‘frères’ sont injustes (…) Je ne démissionnerai qu’une fois que j’aurai la conviction d’avoir commis des erreurs, et cela relève de ma volonté.

Quant au limogeage, il faut que ça émane des autorités supérieures, ce qui n’est pas le cas pour l’heure”, répétait-il, hier, dans les colonnes d’un confrère. Même s’il refuse “d’entraîner la Présidence dans le conflit”, une coquetterie sémantique, il faut le dire, Saïd Bouhadja évoque des “parties habilitées légalement pour me contacter si elles voient la nécessité que je dois quitter mon poste”. Lesquelles alors ? Il faut dire que le président de l’Assemblée, en vertu d’une disposition du règlement intérieur de l’Assemblée, n’est pas tenu à donner suite aux doléances des députés. La vacance ne survient, en effet, qu’en cas de “démission, d’incapacité ou d’incompatibilité ou de décès”. Et si l’on excepte le cas de démission, qui demeure un acte volontaire de son auteur, Saïd Bouhadja peut bien rester en poste jusqu’à la fin de la mandature ou jusqu’à une éventuelle dissolution de l’Assemblée.

“Nul ne peut le démettre de son mandat, d’autant qu’il a été élu en tant que président. Il a été élu sur la base de la confiance du parti majoritaire qui est le FLN. Il y a des changements politiques, pas juridiques ou constitutionnels, que les partis introduisent au droit parlementaire. Entre l’élu et son parti, il y a une relation de confiance. Il y a, par exemple, une discipline de vote qui n’est pas inscrite dans la Constitution. Le député vote selon les consignes de son parti, ce n’est pas écrit. Il y a donc une option, qui n’est pas constitutionnelle mais qui fait partie de la realpolitik, qui est le retrait de confiance du parti politique”, soutient, dans des propos repris par TSA, la spécialiste en droit constitutionnel, Fatiha Benabbou. Reste que pour le contraindre à démissionner, les présidents des cinq groupes parlementaires à l’Assemblée (FLN, RND, TAJ, MPA et indépendants) signataires de la motion de retrait de confiance ont décidé de “geler toutes les activités des structures de l’APN jusqu’à satisfaction de leur revendication”, histoire de créer une situation de blocage.

Mais pour Bouhadja, il est hors de question de se “plier”. “Je ne peux pas être la cause de la panne institutionnelle, mais je n’accepte pas aussi que le blocage se fasse à mon détriment.”

En filigrane, il suggère qu’il est prêt à jeter l’éponge, mais pas en cédant aux “désidératas” des parlementaires. En d’autres termes, il invite “les décideurs” à mettre les formes pour une sortie “honorable”. Mais jusqu’à quand pourra-t-il résister, lui qui veut se donner du temps, et qu’en sera la contrepartie ? S’il jouit du soutien d’un poids lourd au sein du FLN, en l’occurrence l’ancien président, Abdelaziz Ziari, qui lui conseille de “ne pas démissionner” étant donné “qu’il n’y a aucun risque sur la stabilité”, Amara Benyounès, en revanche, dont les députés ont sonné l’hallali de Bouhadja, n’exclut pas une éventuelle dissolution de l’Assemblée. “Si on arrive à une situation de blocage, l’Assemblée nationale ne fonctionnera pas et on ne peut pas se permettre d’avoir une Assemblée bloquée. La seule solution qui restera alors, c’est la dissolution. Il n’y a pas d’autre solution (…)”, plaide-t-il en misant sur la “sagesse” de Bouhadja pour démissionner.

Mais le pouvoir peut-il se permettre cette éventualité dans le contexte actuel ? C’est dire que l’attitude de Bouhadja renseigne parfaitement sur le fonctionnement du pouvoir algérien, en dehors des… mécanismes institutionnels. Et sur la prétendue séparation des pouvoirs.

Karim Kebir