Quelques jours après que la ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition de la femme, Kaoutar Krikou, ait participé aux travaux de la 41e session du comité de la femme arabe préparatoire à la 66e session de la Commission des Nations Unies sur la condition de la Femme, voilà qu’un nouveau féminicide secoue le pays.
Cette fois-ci, tout le monde l’a vu venir, et personne n’a levé le petit doigt. Le comble, c’est que suite au crime, haineux, lâche, et abject, certains médias, connus pour leurs scrupules volatils, ont osé insulter la mémoire de la victime, et sans gêne aucune, justifier la dérive du meurtrier et, presque, prendre son parti.
La ministre avait déclaré lors de sa rencontre avec plusieurs responsables de pays arabes que l’Algérie «œuvre au renforcement et à la promotion de la place de la femme dans tous les domaines, en concrétisation de ses engagements internationaux». Sur le terrain, on fait face à une tout autre chose.
Keltoum, femme contre vents et marrées
Le crime a eu lieu le dimanche 13 février, à Boumerdes. Keltoum avait 33 ans, 3 enfants, et rien d’autre au monde. Sa fille ainée était âgée de 14 ans. Keltoum vivait une relation intenable, que l’on appelle de nos temps « toxique », quand elle était mariée à son futur tueur. Ce dernier la battait, la violentait, la menaçait, et a même tenté de la tuer une première fois.
Police, Gendarmerie, Justice, APC, toutes ses institutions, en plus du voisinage et des proches de la victime étaient au courant de son calvaire. Keltoum avait alerté tout le monde, mais personne n’a jugé qu’il était judicieux de l’aider ou du moins de la protéger. Keltoum a donc décidé de prendre son destin en main et fuir son mari, qui est également connu de tous d’être un drogué notoire.
Keltoum, pour ne pas passer ses nuits, elle et ses enfants, à la belle étoile, a construit une cabane dans un bidonville. Acharnement du destin, l’APC a décidé de la priver de ce toit. Sa cabane a été détruite, alors que toutes les autres constructions formant le bidonville étaient laissées en l’état.
Tous responsables ?
Keltoum ne désespère pas, elle se réfugie notamment dans les bras du réseau Wassila, qui, sur sa page Facebook, écrit que quand la victime « demandait ses droits », les administrations lui répondaient que « ta propre maison tu l’avais quitté ».
« Tout le monde savait que ton mari, dealer de drogue, était un homme dangereux et que tu risquais ta vie. Personne n’a bougé ! Ils n’ont bougé que pour plus te détruire. Quand les autorités sont venues mardi dernier détruire les murs d’un gourbi que tu venais de construire pour avoir un toit … aucune autre habitation illicite dans les alentours… n’a été détruite », lit-on encore sur la page du Réseau Wassila.
Le 13 février, dans la matinée, l’ex-mari de Keltoum, qui se trouvait avec ses enfants, vient et la bat d’abord, puis la poignarde ensuite. La gendarmerie vient cette fois-ci, mais il est trop tard, Keltoum est morte, comme la conscience de certains médias dénoncés par le site Féminicides Algérie.
En effet, certains médias n’ont pas hésité à cracher sur la mémoire de la défunte, alors que sa dépouille était encore ensanglantée. Au lieu de dénoncer le crime, ils ont écrit que les mobiles étaient liés « à des différends conjugaux … dont certains étaient en relation avec des vidéos publiées sur TIK TOK ».
« J’accuse tous ceux qui savaient, qui pouvaient et devaient te protéger toi et tes enfants, mais qui n’ont rien fait. J’accuse tous ceux qui sont complices de cet assassinat et ils sont nombreux ! Inutile de dire ‘Allah yerhamha’. C’est trop tard. Vous l’avez tuée », dénonce encore le Réseau Wassila.