Fait peut-être anecdotique, El Hadi Ould Ali, désormais ex-ministre de la Jeunesse et des Sports, est parti curieusement exactement dans les mêmes conditions qu’il a été nommé en été 2015, c’est-à-dire non pas à la faveur d’un changement de gouvernement mais d’un léger remaniement ministériel.
L’on se rappelle que le 23 juin 2015, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, avait procédé en effet à un léger changement au niveau de trois ministères “Sont nommés ministres : Bakhti Belaïb, ministre du Commerce, Sid-Ahmed Ferroukhi, ministre de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche et El Hadi Ould Ali, ministre de la Jeunesse”, indiquait le communiqué de la Présidence. Ould Ali, qui occupait à l’époque le poste de directeur de la Maison de la culture de Tizi Ouzou, a remplacé au pied levé feu Khomri. Ce changement à la tête du département de la Jeunesse et des Sports consacre encore une fois un bien triste constat dans le secteur : l’instabilité chronique.
Jamais du reste, de mémoire du sport algérien depuis l’indépendance du pays, le ministère de la Jeunesse et des Sports n’a connu une telle précarité. Depuis son élection à la tête du pays, le 27 avril 1999, le président Abdelaziz Bouteflika a déjà consommé 12 ministres en 19 ans de règne, à savoir Derouaz, Sellal, Berchiche, Benbouzid, Allalou, Haïchour, Ziari, Guidoum, Djiar, Tahmi, Khomri et Ould Ali, soit une moyenne quasiment d’un ministre tous les 18 mois. Aberrant. Comment peut-on raisonnablement demander à un ministre, fût-il un génie, d’opérer un plan de réforme en un laps de temps aussi court ? Si, aujourd’hui, le secteur de la jeunesse et des sports continue de souffrir d’une crise au double volet organisationnel et infrastructurel, c’est en grande partie en raison justement de cette instabilité.
En outre, exception faite de Aziz Derouaz, icône du handball algérien, avec lequel Bouteflika avait entamé son premier mandat, le président de la République a toujours confié à des responsables qui n’ont rien à voir avec le secteur, le secteur de la jeunesse et des sports. La nomination de Mohamed Hattab ne déroge certainement pas à la règle. Mohamed Hattab a occupé par le passé le poste de wali de Béjaïa depuis décembre 2016, après plusieurs fonctions dans le secteur des collectivités locales, notamment secrétaire général des wilayas d’Alger et de Sétif et wali de Sidi Bel-Abbès. Né le 29 octobre 1964 à Bordj Menaïel (Boumerdès), M. Hattab, diplômé de l’École nationale d’administration (ENA), a également occupé plusieurs autres fonctions, à savoir chef de daïra de Gouraya (Tipasa) et de Azzaba (Skikda), ainsi que wali délégué d’El-Harrach (Alger). C’est donc un gestionnaire aux compétences sans doute avérées mais qui n’a jamais travaillé dans le domaine du sport.
Au moment où tout le monde s’attendait à l’intronisation d’un enfant du secteur d’autant plus que les compétences ne manquent pas, Abdelaziz Bouteflika a choisi un “profane” pour redresser la situation dans un volet qui a connu le moins qu’on puisse dire une léthargie ces dernières années avec une chute vertigineuse dans les résultats des équipes nationales, toutes disciplines confondues et une crise latente avec certains fédérations et surtout le Comité olympique algérien. Il serait bon d’ailleurs de rappeler que le processus du renouvellement des instances sportives nationales a été marqué par des contestations émanant de certaines représentants du mouvement sportif qui ont dénoncé “une ingérence du ministère de la Jeunesse et des Sports (MJS) à travers une vaste campagne de nettoyage ayant atteint les grosses structures fédérales en Algérie”. Mohamed Hattab parviendra-t-il à rétablir la sérénité et surtout la confiance dans le secteur ?
SAMIR LAMARI