BTP, Ça coince dans les paiements

BTP,  Ça coince dans les paiements

Plusieurs entreprises du secteur s’inquiètent pour leur avenir.

Plus de 4100 milliards de dinars ont été attribués aux travaux publics dans le cadre du plan quinquennal 2015-2019, une enveloppe à quatre chiffres que le pays se permettait, parce qu’il y avait suffisamment d’argent dans les caisses. Cela va cependant changer, l’opulence budgétaire étant contrariée par la conjoncture pétrolière.

Et les premiers signes de la crise se font réellement sentir dans les travaux publics, ainsi que l’explique Rehailia Chaouki, PDG de Geomag, une importante entreprise du secteur. M. Rehailia observe qu’il y a des entreprises qui devraient attendre pour se faire payer. Certes, les lenteurs dans les paiements existaient, mais elles risqueraient de prendre plus d’ampleur, si la dégringolade des cours du pétrole s’étirait dans le temps.

Le PDG de Geomag souligne également que la commande publique va décroissant en pareil contexte. Et que cela va mettre certaines sociétés dans une mauvaise posture : elles pourraient perdre en emplois et en plan de charge. Toutefois, les entreprises, qu’elles soient publiques ou privées, ne sont pas logées à la même enseigne. Pour certaines d’entre elles, les répercussions de la crise sont déjà perceptibles. Pour d’autres, elles ont été repoussées pour un temps. Mais qu’en est-il de Geomag par exemple ? Son PDG se montre optimiste, expliquant que l’entité qu’il dirige dispose d’un plan de charge bien garni, étalé sur deux ou trois ans. M. Rehailia rassure que, pour l’instant, nous n’avons pas de soucis à nous faire. Geomag semble avoir su tirer partie des années fastes où des projets à foison ont été inscrits dans le programme public de développement en matière de travaux publics pour la période 2010-2014. Ce plan de développement, financé par l’État, prévoyait un budget global de l’ordre de 6447 milliards de dinars pour le développement des infrastructures de base.

Plus de 3100 milliards de dinars avait été destinés au secteur des travaux publics pour poursuivre l’extension et la modernisation du réseau routier et l’augmentation des capacités portuaires.  Une enveloppe de 3132 milliards de dinars avait été ainsi attribuée en vue de finaliser le réseau de l’autoroute Est-Ouest, de procéder au doublement de près de 700 km de routes nationales, de réaliser plus de 2500 km de routes nouvelles, de moderniser et de réhabiliter plus de 8000 km de route, de réaliser et moderniser près de 20 ports de pêche et de procéder au dragage et au confortement de 25 ports, ainsi qu’au renforcement de trois aérodromes. Mais l’exubérance appartient au passé.

Et il est des entreprises qui la regrettent, broyant du noir aujourd’hui, de peur qu’elles se fassent broyer par la crise. Mohand Mezaoud, spécialiste du management dans les entreprises, nous confie que les sociétés dont le chiffre d’affaires dépend de la commande publique expriment sérieusement de l’inquiétude, car il y a comme dessèchement dans les plans de charge. Ces entités, dit-il, ont peur pour leur pérennité et pour l’emploi. M. Mezaoud estime qu’au-delà de cette conjoncture, nos entreprises ne sont pas suffisamment outillées pour anticiper sur des événements. Et de relever : même lorsqu’elles décident d’opérer des contrôles, au sens managérial du terme, elles ne le font que pour la finance, les autres fonctions sont occultées. Cela, dit-il, n’est pas normal pour une société qui veut investir et se projeter dans l’avenir. Pour lui, la conjoncture dont nous parlons actuellement met en évidence, ce qui ne va pas dans nos entreprises. Cette situation n’est pas inéluctable. De même qu’il faut revoir les modalités de financement de certains projets dans les travaux publics, comme le fait remarquer Maalem Faouzi, un expert dans le domaine des travaux publics. Ce dernier affirme que nous disposons localement de ressources financières considérables dans le secteur privé et dont il faut tirer bénéfice. Ces ressources, pourvu qu’elles soient sous-tendues par des motivations et par des règles de jeu clairement définies, peuvent être mises à contribution. Des pays comme les Émirats arabes unis et l’Égypte, rappelle-t-il, pratiquent le financement par partenariat.

Y. S.