Burkina Faso: l’armée s’impose face à la contestation au risque de sanctions de la médiation internationale

Burkina Faso: l’armée s’impose face à la contestation au risque de sanctions de la médiation internationale

ALGER – L’armée burkinabè a pris le contrôle dimanche de deux lieux stratégiques, symboles de la manifestation de masse à Ouagadougou, abordant de front des milliers de manifestants qui contestaient sa prise de pouvoir trois jours après la démission du président Blaise Compaoré.

L’armée a simultanément pris dans l’après-midi le contrôle de la radio-télévision nationale et la place de la Nation, deux lieux emblématiques de la grogne publique, où des milliers de personnes manifestaient pour le quatrième jour consécutif.

Tous les personnels de la radio-télévision ont été évacués, selon des médias.

Les soldats ont tiré en l’air et barricadé la place pour en empêcher l’accès aux manifestants, qui protestaient, à l’appel de l’opposition contre la prise de pouvoir par l’armée.

Après le départ vendredi de Blaise Compaoré, poussé à démissionner par des manifestations et des émeutes populaires massives après 27 ans de pouvoir, l’armée a désigné samedi le lieutenant-colonel Isaac Zida comme chef du régime de transition.

Ce dernier est rejeté par les forces vives du pays (opposition et société civile), en s’appuyant sur une clause de la Constitution burkinabè qui stipule que l’intérim du pouvoir doit être assuré par le président de l’Assemblée nationale.

Armée et forces vives : le bras de fer

Dans un communiqué commun, la société civile et l’opposition ont appelé à un nouveau rassemblement dimanche sur la place de la Nation, rebaptisée par le peuple « place de la Révolution », pour exiger « le caractère démocratique et civil que doit avoir cette transition ».

« Restez vigilants pour préserver la victoire du peuple. Restez mobilisés pour les mots d’ordre à venir », a lancé à la petite foule Jean-Hubert Bazié, chef du parti Convergence de l’Espoir (opposition).

« La victoire issue de l’insurrection populaire appartient au peuple, et par conséquent la gestion de la transition lui appartient légitimement et ne saurait être en aucun cas confisquée par l’armée », disait-il.

La situation a basculé au Burkina Faso après de sanglantes manifestations qui ont éclaté dans les rues d’Ouagadougou, la capitale, où des dizaines de milliers de personnes expriment bruyamment leur opposition au vote d’un projet de révision constitutionnelle.

Compaoré qui a trouvé refuge samedi à Yamoussoukro, capitale politique de la Côte d’Ivoire, a déclaré avoir démissionné pour éviter de faire couler le sang de ses compatriotes.

Appels au respect de la volonté du peuple

La médiation internationale au Burkina Faso appelle à la mise en place d’un régime de transition « conduit par un civil » et « conforme à l’ordre constitutionnel », menaçant dans le cas contraire de « sanctions ».

« Nous voulons éviter pour le Burkina Faso la mise en place de sanctions », a déclaré l’émissaire de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest, Mohamed Ibn Chambas.

Les Etats-Unis appellent l’armée burkinabè à transférer le pouvoir aux autorités civiles et « condamnent (sa) tentative d’imposer sa volonté au peuple du Burkina Faso ».

L’Union africaine (UA) avait lancé un appel aux « acteurs politiques et la société civile du Burkina Faso à travailler ensemble dans un esprit de consensus et de responsabilité pour convenir d’une transition civile et inclusive devant déboucher sur la tenue, aussi rapidement que possible, d’élections libres, régulières et transparentes ».

A la tête de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), le président du Ghana, John Dramani Mahama, a appelé au dialogue entre toutes les parties impliquées dans la transition politique au Burkina Faso, soulignant la necessité du respect de la démocratie et la constitution.

Suivie de près par plusieurs pays, ceux d’Afrique notamment, la situation au Burkina Faso a fait réagir, le président congolais Denis Sassou N’Guesso et son homologue sénégalais Macky Sall, qui ont appelé les Burkinabè à réaliser une « transition pacifique et apaisée ».

Explications sur les modalités de transition requises

Se voulant rassurant, le nouveau chef militaire au Burkina Faso a promis un processus « démocratique » associant les forces vives de ce pays du Sahel de quelque 17 millions d’habitants, mais il est resté « peu explicite » sur les modalités de la transition.

Sur le terrain, le lieutenant-colonel Zida a annoncé la réouverture des frontières aériennes. Quant au couvre-feu, il reste en vigueur de 22H00 (contre 19H00 auparavant) à 06H00.

Une rencontre a débuté dimanche vers 16h40 heure locale à Ouagadougou entre les responsables de l’opposition burkinabè et le lieutenant-colonel Isaac Zida, chef désigné par l’armée pour qu’il prenne la tête de la transition.

La volonté du président Compaoré, qui était arrivé en 1987 au pouvoir par un coup d’Etat, de réviser la Constitution pour lui permettre d’être une nouvelle fois candidat à la présidentielle de 2015 était à l’origine de la protestation populaire, qui a embrasé le Burkina Faso.