Bientôt des quartiers résidentiels pour prisonniers aux Etats-Unis ? C’est la direction que semble avoir pris l’Etat de Californie en inaugurant le centre de détention de la police de Fremont. Pour 155 dollars la nuit (116 euros), les détenus pourront en effet profiter d’une prison tout confort, loin des heurts de la vie carcérale. Une initiative qui fait polémique.
Après avoir déboursé une taxe de séjour de 45 dollars (33 euros), les prisonniers les plus fortunés pourront s’offrir un séjour dans une prison des plus confortables. A 155 dollars par nuit (116 euros), ce centre de détention de la police de Fremont s’illustre par des tarifs rivalisant avec ceux des hôtels trois étoiles de la région.
Confortable et calme, cette prison met toutefois en évidence d’importants clivages sociaux qui s’étendent au domaine carcéral. Une cellule loin du marasme carcéral « Comme dans un hôtel, il y a du savon, des serviettes et même du dentifrice gratuit, tout sauf la liberté de sortir et d’aller faire un tour » détaille pour le Huffington Post le lieutenant Mark Devine, superviseur du programme. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les avantages y sont conséquents : salle commune avec écran-plat haute définition, espaces de divertissements avec jeux de carte et, surtout, un nombre minimal de compagnons de cellule. Toutefois, Mark Devine se défend de dorloter les prisonniers à l’image de civils irréprochables : « Vous avez la télévision par câble, mais vous n’aurez pas un cookie tout chaud posé sur le lit.
Aucun traitement de faveur, les détenus ont le même lit, la même couverture et la même nourriture que n’importe qui dans les prisons du comté, sauf que notre prison est plus petite, plus tranquille et à l’écart de la population carcérale du comté » Sélection sur dossier des candidats à la prison Attention, il n’y a que 58 places et seuls les meilleurs détenus seront acceptés. Si les détenus ont de mauvais dossiers, tels que ceux liés à des gangs ou à des crimes sexuels se verront refuser l’accès, qu’importe l’état de leurs finances. De même pour les détenus ayant de graves problèmes de santé qui ne sauraient être transférés dans un espace démuni de centre médical.
Finalement cette alternative aux prisons du comté d’Alameda, réputées difficiles, s’adresse à des personnes coupables de délits mineurs et qui sont voués à purger de courtes peines, n’outrepassant généralement pas dix jours. Toutefois, cette formule « pay-to-stay » (littéralement « payer-pour-rester ») n’aurait pas trouvé son public selon le Huffington Post, seule une douzaine de personnes y séjournerait par semaine. Après les cellules privilégiées, des quartiers résidentiels pour prisonniers ? L’initiative a également essuyé les critiques véhémentes d’associations américaines telles que l’Union Américaine pour les Libertés Civiles dont le responsable, Carl Takei, évoque la banalisation de « prison pour riches » : « Il ne devrait pas y avoir un type de peine pour ceux qui peuvent payer, et un autre pour ceux qui ne le peuvent pas.
» Car c’est effectivement une prison à deux vitesses qui s’instaure alors : les riches baignent dans un relatif confort tandis que les moins fortunés sont condamnés à subir les dommages collatéraux de l’univers carcéral, les violences entre détenus, maltraitances etc… De même, certains brassent l’adage populaire arrêté comme quoi les prisonniers seraient ainsi « nourris, logés, blanchis ». Toutefois à ce présupposé bouillonnant, il est possible d’objecter que le coût de la vie en prison est bien supérieur à ce qu’il n’est à l’extérieur comme le souligne L’Express dans une enquête à ce sujet. Une prison plus confortable permettrait alors de ne pas s’exposer à des conditions extrêmement difficiles vis-à-vis des autres détenus, qui génèrent les cercles vicieux de la délinquance et de la criminalité.